C'est ainsi qu'elle a murmuré affectueusement :
Mon ami, ne vous livrez pas au découragement et à l'abattement ! Jésus est la personnification de la miséricorde et il consolera certainement votre cœur ! Ayons confiance et attendons sa bonté infinie !...
Mais - acquiesça Helvidius Lucius dans sa sincérité poignante, je suis un pécheur qui se juge sans pardon et sans espoir !
Qui ne l'est pas en ce monde, mon ami ? - lui répondit Célia pleine de bonté. - La leçon de la « première pierre » par hasard, ne serait-elle pas destinée à tous les hommes ? Qui pourrait dire « je n'ai jamais commis d'erreur », dans l'océan d'ombres où nous vivons ?
Dieu est le juge suprême et dans sa miséricorde inépuisable, il ne peut exiger de ses enfants une dette inexistante !... Si votre fille a souffert, il y avait malgré tout une loi d'épreuves qui s'est accomplie conformément à la sagesse divine !...
Néanmoins - a gémi le tribun d'une voix amère -, elle était bonne et humble, affectueuse et juste ! En outre, je sens que j'ai été impitoyable parce que j'éprouve maintenant les plus rudes accusations de ma propre conscience !...
Et comme s'il voulait transmettre à son interlocuteur l'image exacte de ses réminiscences, le fils de Cneius Lucius a ajouté, en séchant ses larmes :
Si vous l'aviez vue, frère, en ce jour fatidique et sinistre, vous seriez d'accord j'en suis sûr pour dire que ma malheureuse Célia était comme un mouton immaculé qui marchait au sacrifice. Je ne pourrai jamais oublier son regard blessé, alors qu'elle s'éloignait du foyer domestique, rejetée du sanctuaire de sa famille honoré par son âme d'enfant à travers les actes 1es plus nobles de travail et de résignation ! Rappelant ces la II s. Je me vois tel un tyran qui, après s'être abandonné à toute sorte de de crimes, marche dans le monde mendiant la justice des hommes, afin d'éprouver le soulagement désiré de sa conscience !
À entendre ces paroles, la jeune femme pleurait copieusement, laissant libre cours à ses propres souvenirs contaminés de douleur et d'amertume.
Oui, frère - continua le tribun angoissé -, je sais que vous pleurez pour les malheurs de vos prochains ; je sens que mes épreuves ont aussi touché votre cœur. Mais, dites-moi !... que devrais-je faire pour retrouver ma fille bien-aimée ? Serait-ce qu'elle aussi est partie au ciel sous le coup des angoisses humaines ? Que faire pour embrasser, un jour, ses mains avant sa mort ?
En guise de réponse, ses pénibles questions ne trouvaient que le silence de la jeune femme qui pleurait émue. Peu après, néanmoins, comme prise d'une soudaine résolution, elle lui fit remarquer :
Mon ami, avant tout nous devons pleinement confier en Jésus, en observant dans toutes nos souffrances la détermination sacrée de sa sagesse et de sa bonté infinies ! Ne perdons pas notre temps à regretter le passé. Dieu bénit ceux qui travaillent et le Maître a promis le soutien divin à tous ceux qui travaillent en ce monde avec persévérance et bonne volonté !... Si vous n'avez pas encore retrouvé votre fille aimée, il faut dilater les liens du sang afin qu'ils se conjuguent avec les liens éternels et lumineux de la famille spirituelle. Dieu veillera sur vous, dès lors que pour remplacer l'affection de votre fille absente, vous chercherez à ouvrir votre cœur à tous les désemparés de la chance... Il y a des milliers d'êtres qui demandent une aumône d'amour à leurs semblables ! En vain, ils tendent des bras nus à ceux qui passent, heureux, par les chemins fleuris des espoirs mondains.