Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome IV полностью

– Ah! nous savons que tu essayeras de la défendre; nous savons que tu l’aimes avec idolâtrie, que tu la préfères à tout. Nous savons qu’elle est ton trésor de science, de bonheur et de fortune; nous savons qu’elle est pour toi un instrument plus précieux que tout le monde.


– Vous savez cela? dit Balsamo.


– Oui, nous le savons, et nous te frapperons bien plus par elle que par toi.


– Achevez…


Le président se leva.


– Voici la sentence: Joseph Balsamo est un traître; il a manqué à ses serments; mais sa science est immense, elle est utile à l’ordre. Balsamo doit vivre pour la cause qu’il a trahie; il appartient à ses frères, bien qu’il les ait reniés.


– Ah! ah! dit Balsamo sombre et farouche.


– Une prison perpétuelle protégera l’association contre ses nouvelles perfidies, en même temps qu’elle permettra aux frères de recueillir de Balsamo l’utilité qu’elle a droit d’attendre de chacun de ses membres. Quant à Lorenza Feliciani, un châtiment terrible…


– Attendez, dit Balsamo avec le plus grand calme dans la voix. Vous oubliez que je ne me suis pas défendu; l’accusé doit être entendu dans sa justification… Un mot me suffira, un seul document. Attendez-moi une minute, je vais rapporter la preuve que j’ai promise.


Les commissaires se consultèrent un moment.


– Oh! vous craignez que je ne me tue? dit Balsamo avec un sourire amer. Si je l’eusse voulu, ce serait fait. Il y a dans cette bague de quoi vous tuer tous cinq si je l’ouvrais. Vous craignez que je ne m’enfuie? Faites-moi accompagner si cela vous convient.


– Va! dit le président.


Balsamo disparut pendant une minute; puis on l’entendit redescendre pesamment l’escalier; il rentra.


Il tenait sur son épaule le cadavre roidi, froid et décoloré de Lorenza, dont la blanche main pendait vers la terre.


– Cette femme que j’adorais, cette femme qui était mon trésor, mon bien unique, ma vie, cette femme qui a trahi, comme vous dites, s’écria-t-il, la voici, prenez-la! Dieu ne vous a pas attendus pour punir, messieurs, ajouta t-il.


Et, par un mouvement prompt comme l’éclair, il fit glisser le cadavre sur ses bras et l’envoya rouler sur le tapis jusqu’aux pieds des juges, que les froids cheveux et les mains inertes de la morte allèrent effleurer dans leur horreur profonde, tandis qu’à la lueur des lampes, on voyait la blessure d’un rouge sinistre et profond s’ouvrir au milieu de son cou d’une blancheur de cygne.


– Prononcez, maintenant, ajouta Balsamo.


Les juges, épouvantés, poussèrent un cri terrible, et, saisis d’une vertigineuse terreur, ils s’enfuirent dans une confusion inexprimable. On entendit bientôt les chevaux hennir et piétiner dans la cour; la porte gronda sur ses gonds, puis le silence, le silence solennel revint s’asseoir auprès de la mort et du désespoir.

Chapitre CXXXIV L’homme et Dieu

Tandis que la scène terrible que nous venons de raconter s’accomplissait entre Balsamo et les cinq maîtres, rien n’était changé en apparence dans le reste de la maison; seulement, le vieillard avait vu Balsamo rentrer chez lui et emporter le cadavre de Lorenza, et cette nouvelle démonstration l’avait rappelé au sentiment de tout ce qui se passait autour de lui.


En voyant Balsamo charger sur ses épaules le corps et redescendre avec lui dans les étages inférieurs, il crut que c’était le dernier, l’éternel adieu de cet homme dont il avait brisé le cœur, et la peur le prit d’un abandon qui, pour lui, pour lui surtout qui avait tout fait pour ne pas mourir, doublait les horreurs de la mort.


Ne sachant pas dans quel but Balsamo s’éloignait, ne sachant pas où il était allé, il commença à appeler:


– Acharat! Acharat!


C’était son nom d’enfant: il espérait que c’était celui qui aurait conservé le plus d’influence sur l’homme.


Balsamo cependant descendait toujours; une fois descendu, il ne songea pas même à faire remonter la trappe et se perdit dans les profondeurs du corridor.


– Ah! s’écria Althotas, voilà donc ce que c’est que l’homme, animal aveugle et ingrat. Reviens, Acharat, reviens! Ah! tu préfères le ridicule objet qu’on appelle une femme à la perfection de l’humanité que je représente! Tu préfères le fragment de la vie à l’immortalité!


«Mais non! s’écriait-il après un instant; non, le scélérat a trompé son maître, il a joué comme un vil brigand avec ma confiance; il craignait de me voir vivre, moi qui le dépasse de si loin en science; il a voulu hériter de l’œuvre laborieuse que j’avais presque menée à fin; il a tendu un piège à moi, à moi son maître, son bienfaiteur. Oh! Acharat!…»


Et peu à peu la colère du vieillard s’allumait, ses joues reprenaient un coloris fébrile; dans ses yeux, à peine ouverts, se ranimait l’éclat sombre de ces lumières phosphorescentes que les enfants sacrilèges placent dans les orbites d’une tête de mort.


Alors il s’écriait:


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