Читаем Le Collier de la Reine - Tome II полностью

Monsieur de Charny, pâle et beau, sentant sur lui le poids de tous les regards, fut calme et brave comme il avait été à son bord, au milieu des tourbillons de flammes et des ouragans de la mitraille anglaise; seulement il souffrit bien plus.

Philippe, l’œil attaché sur sa sœur, qu’il voyait tressaillir et chanceler, semblait prêt à lui porter secours d’un mot, d’un geste de consolation ou d’amitié.

Mais Andrée ne se démentit pas, demeura la tête haute, respirant à chaque minute son flacon de sels, mourante et vacillante comme la flamme d’une cire, mais debout et persévérant à vivre par la force de sa volonté.

Celle-ci n’adressa point de prières au ciel, celle-ci ne fit point de vœux pour l’avenir, elle n’avait rien à espérer, rien à craindre; elle n’était rien aux hommes, rien à Dieu.

Quand le prêtre parlait, quand la cloche sacrée tintait, quand s’accomplissait autour d’elle le mystère divin:

«Suis-je seulement une chrétienne, moi? se disait Andrée. Suis-je un être comme les autres, une créature pareille aux autres? M’as-tu faite pour la pitié, toi qu’on appelle Dieu souverain, arbitre de toutes choses? Toi qu’on dit juste par excellence et qui m’as toujours punie sans que j’eusse jamais péché! Toi qu’on dit le Dieu de paix et d’amour, et à qui je dois de vivre dans le trouble, les colères, les vengeances sanglantes! Toi à qui je dois d’avoir pour mon plus mortel ennemi le seul homme que j’eusse aimé!

«Non, continua-t-elle, non, les choses de ce monde et les lois de Dieu ne me regardent pas! Sans doute ai-je été maudite avant de naître, et mise en naissant hors la loi de l’humanité.»

Puis, revenant à son passé douloureux:

– Étrange! étrange! murmurait-elle. Il y a là, près de moi, un homme dont le nom seul prononcé me faisait mourir de bonheur. Si cet homme fût venu me demander pour moi-même, j’eusse été forcée de me rouler à ses pieds, de lui demander pardon pour

ma faute d’autrefois, pour votre faute, mon Dieu! Et cet homme que j’adorais m’eût peut-être repoussée. Voilà qu’aujourd’hui cet homme m’épouse, et c’est lui qui viendra me demander pardon à genoux! Étrange! oh! oui, oui, bien étrange!

À ce moment, la voix de l’officiant frappa son oreille. Elle disait:

– Jacques-Olivier de Charny, prenez-vous pour épouse Marie-Andrée de Taverney?

– Oui, répondit d’une voix ferme Olivier.

– Et vous, Marie-Andrée de Taverney, prenez-vous pour époux Jacques-Olivier de Charny?

– Oui!… répondit Andrée avec une intonation presque sauvage qui fit frissonner la reine et tressaillir plus d’une femme dans l’auditoire.

Alors Charny passa l’anneau d’or au doigt de sa femme, et cet anneau glissa sans qu’Andrée eût senti la main qui le lui offrait.

Bientôt le roi se leva. La messe était finie. Tous les courtisans vinrent saluer dans la galerie les deux époux.

Monsieur de Suffren avait pris en revenant la main de sa nièce; il lui promettait, au nom d’Olivier, le bonheur qu’elle méritait d’avoir.

Andrée remercia le bailli sans se dérider un seul moment, et pria seulement son oncle de la conduire promptement au roi, pour qu’elle le remerciât, car elle se sentait faible.

En même temps, une pâleur effrayante envahit son visage.

Charny la vit de loin, sans oser s’approcher d’elle.

Le bailli traversa le grand salon, mena Andrée au roi, qui la baisa sur le front et lui dit:

– Madame la comtesse, passez chez la reine; Sa Majesté veut vous faire son présent de noces.

Puis, sur ces mots qu’il croyait être pleins de gracieuseté, le roi se retira suivi de toute la cour, laissant la nouvelle mariée éperdue, désespérée, au bras de Philippe.

Oh! murmura-t-elle, c’en est trop! c’en est trop, Philippe! Il me semblait pourtant avoir assez supporté!…

– Courage, dit tout bas Philippe; encore cette épreuve, ma sœur.

– Non, non, répondit Andrée, je ne le pourrais pas. Les forces d’une femme sont limitées; peut-être ferai-je ce qu’on me demande; mais, songez-y, Philippe, si elle

me parle, si elle me complimente, j’en mourrai!

– Vous mourrez s’il le faut, ma chère sœur, dit le jeune homme, et alors vous serez plus heureuse que moi, car je voudrais être mort!

Il prononça ces mots d’un accent tellement sombre et douloureux, qu’Andrée, comme si elle eût été déchirée par un aiguillon, s’élança en avant et pénétra chez la reine.

Olivier la vit passer; il se rangea le long des tapisseries pour ne point effleurer sa robe au passage.

Il demeura seul dans le salon avec Philippe, baissant la tête comme son beau-frère, et attendant le résultat de cet entretien que la reine allait avoir avec Andrée.

Celle-ci trouva Marie-Antoinette dans son grand cabinet.

Malgré la saison, au mois de juin, la reine s’était fait allumer du feu; elle était assise dans son fauteuil, la tête renversée en arrière, les yeux fermés, les mains jointes comme une morte.

Elle grelottait.

Madame de Misery, qui avait introduit Andrée, tira les portières, ferma les portes et sortit de l’appartement.

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