Читаем Le monde inverti полностью

J’examinai encore une fois les lieux, puis je regagnai le couloir. Le but de ma visite était rempli : je n’en avais eu aucun. Je me dirigeai vers les diverses salles où l’on nous dispensait l’enseignement. Des bruits étouffés me parvenaient de derrière les portes. Par les vitres circulaires ménagées dans les battants, j’apercevais les classes en cours. Récemment encore, j’étais là. Dans une salle, je vis mes récents condisciples – dont certains se dirigeaient sans doute vers l’apprentissage d’une guilde du premier ordre, comme moi, tandis que la plupart occuperaient des postes administratifs dans la ville. J’eus la tentation d’entrer et de laisser leurs questions s’abattre sur moi, sans m’émouvoir, tout en maintenant un silence mystérieux.

Il n’y avait aucune ségrégation des sexes à la crèche et dans les salles de classe. Je cherchais en vain à apercevoir Victoria. Quand j’eus inspecté toutes les pièces, je me rendis dans la zone commune : le réfectoire (où le bruit de fond annonçait la préparation du repas de midi), le gymnase (désert), et le petit espace à ciel ouvert qui ne permettait de voir qu’un pan de bleu. Je me rendis dans la salle commune, seul endroit de toute la crèche consacré à la récréation. Il y avait là quelques garçons aux côtés desquels j’étudiais encore quelques jours auparavant. Ils bavardaient entre eux, mais dès qu’ils me virent, leur attention se porta sur moi. Précisément le genre de situation que j’avais eu la tentation de créer quelques secondes plus tôt.

Ils désiraient savoir à quelle guilde je m’étais inscrit, ce que je faisais, ce que j’avais vu. Que se passait-il quand on atteignait sa majorité ? Qu’y avait-il hors de la crèche ?

Chose étrange, je n’aurais su répondre à la plupart de leurs questions, même si j’avais pu violer mon serment. Bien que j’eusse fait bien des choses en deux jours, je restais encore étranger à tout ce que j’avais vu.

Je me surpris – comme l’avait fait Jase – à cacher le peu que je savais derrière un barrage de secret et d’humeur morose. Visiblement, les gars furent déçus et bien que leur intérêt n’eût en rien diminué, ils cessèrent bientôt de me questionner.

Je quittai la crèche au plus vite, puisque de toute évidence Victoria n’y était plus.

Au moyen de l’ascenseur, je regagnai la zone sombre sous la masse de la cité et me dirigeai vers la clarté solaire, marchant entre les voies. Malchuskin était en train d’exhorter ses manœuvres réfractaires à décharger la draisine de ses rails et de ses traverses. Il remarqua à peine mon retour.

5

Les jours s’écoulaient lentement. Je ne retournai pas à la ville.

J’avais compris l’erreur commise en me livrant avec un enthousiasme exagéré au labeur purement physique de la dépose des voies. Je décidai de me conformer à l’attitude de Malchuskin et de me borner à surveiller le travail des hommes de peine. Je ne leur donnais un coup de main que de temps à autre. C’était toujours aussi fatigant et ennuyeux, mais mon corps profitait de l’exercice. Je me sentis bientôt en meilleure forme que jamais. Ma peau rougissait sous les rayons du soleil et bientôt l’effort physique ne me pesa plus autant.

Mon seul grief était notre régime invariable de produits synthétiques et l’incapacité de Malchuskin à parler de façon intéressante de notre contribution à la sécurité de la ville. Nous restions au travail jusque tard dans la soirée et nous dormions aussitôt après notre maigre repas.

Nous avions à peu près terminé les travaux au sud de la cité. Ils consistaient à démonter toutes les voies et à ériger quatre butoirs à égale distance des murs. Les voies que nous démontions étaient transportées de l’autre côté de la ville, au nord, où on les reposait.

Malchuskin me demanda un soir :

— Depuis combien de temps êtes-vous ici ?

— Je ne sais pas trop.

— En journées ?

— Oh… sept.

J’avais voulu d’abord m’exprimer en kilomètres.

— Dans trois jours vous aurez un peu de congés. Vous passerez deux jours dans la ville, puis vous reviendrez pour un autre kilomètre.

Je lui demandai comment on pouvait calculer le passage du temps à la fois en journées et en distance.

— Il faut à la ville une dizaine de jours pour parcourir un kilomètre de distance, m’expliqua-t-il. En un an, elle en parcourt environ trente-six et demi.

— Mais la ville ne bouge pas !

— Pas pour le moment. Mais cela ne tardera pas. De toute façon, nous ne tablons pas sur son mouvement réel, plutôt sur le déplacement qu’elle aurait dû accomplir. Cela se fonde sur la position de l’optimum.

Je secouai la tête :

— Qu’est-ce que cela signifie ?

— L’optimum, c’est la position idéale où devrait se trouver la cité. Pour s’y maintenir constamment, elle devrait se mouvoir d’environ un dixième de kilomètre par jour. C’est évidemment hors de question, alors nous déplaçons la ville vers l’optimum chaque fois que c’est possible.

— La cité a-t-elle jamais atteint l’optimum ?

— Pas que je me rappelle.

— Où est l’optimum en ce moment ?

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