Читаем L’écume des jours полностью

– Un niveau d’eau, répondit l’antiquitaire. J’ai l’intention de me jouer tout mon répertoire sitôt que je vous aurai raccompagné, et j’ai à marcher par la suite…

XLVI

Nicolas regardait son four. Il était assis devant avec un ringard et une lampe à souder et il vérifiait l’intérieur. Le four s’avachissait un peu sur le dessus et les tôles mollissaient, prenant la consistance de tranches de gruyère minces. Il entendit les p as de Colin dans le couloir, et se redressa sur son siège. Il se sentait fatigué. Colin poussa la porte et entra. Il avait l’air content.

– Alors? demanda Nicolas. Ça a été?

– Je l’ai vendu, dit Colin. Deux mille cinq cents…

– Doublezons?… dit Nicolas.

– Oui, dit Colin.

– Inespéré!…

– Je ne m’y attendais pas non plus. Tu regardais ton four?

– Oui, dit Nicolas. Il est en train de se transformer en marmite à charbon de bois, et je me demande foutre comment ça se fait…

– C’est très bizarre, dit Colin, mais ça ne l’est pas plus que le reste. Tu as vu le couloir?

– Oui, dit Nicolas. Ça devient du sapin…

– Je voulais te répéter, dit Colin, que je ne veux plus que tu restes ici.

– Il y a une lettre, dit Nicolas. De Chloé?

– Oui, dit Nicolas, sur la table.

En décachetant la lettre, Colin entendait la douce voix de Chloé, et il n’eut qu’à écouter pour la lire. Il y avait dedans:

«Mon Colin chéri,

«je vais bien, il fait beau. Le seul ennui, c’est les taupes de neige, c’est des bêtes qui rampent entre la neige et la terre, elles ont de la fourrure orange et crient fort le soir. Elles font de gros monticules de neige et on tombe dessus. Il y a plein de soleil et je vais revenir bientôt. *

– C’est des bonnes nouvelles, dit Colin. Alors, tu vas aller chez les Ponteauzanne.

– Non, dit Nicolas.

– Si, dit Colin. Ils ont besoin d’un cuisinier et moi je ne veux pas que tu restes ici…, tu vieillis trop, et je te dis que j’ai signé pour toi.

– Et la souris? dit Nicolas. Qui lui donnera à manger?

– Je m’en occuperai, dit Colin.

– C’est pas possible, dit Nicolas. Et puis je ne suis plus dans le coup.

– Mais si, dit Colin. C’est l’atmosphère d’ici qui t’écrase… Aucun de vous ne peut tenir…

– Tu dis toujours ça, dit Nicolas, et ça n’explique rien.

– Enfin, dit Colin, là n’est pas la question!

Nicolas se leva et s’étira. Il avait l’air triste.

– Tu ne fais plus rien d’après Gouffé, dit Colin. Tu négliges ta cuisine, tu te laisses aller.

– Mais non, protesta Nicolas.

– Laisse-moi continuer, dit Colin. Tu ne t’habilles plus le dimanche et tu ne te rases plus tous les matins.

– C’est pas un crime, dit Nicolas.

– C’est un crime, dit Colin. Je ne peux p as te payer à ta valeur. Mais, actuellement, ta valeur baisse et c’est un peu de ma faute.

– C’est pas vrai, dit Nicolas. C’est pas de ta faute si tu es embêté.

– Si, dit Colin, c’est parce que je me suis marié et parce que…

– C’est idiot, dit Nicolas. Qui est-ce qui fera la cuisine?

– Moi, dit Colin.

– M ais, tu vas travailler!… Tu n’auras pas le temps.

– Non, je ne travaillerai pas. J’ai tout de même vendu mon pianocktail pour deux mille cinq cents doublezons.

–‘Oui, dit Nicolas, tu es bien avancé avec ça!…

– Tu vas aller chez les Ponteauzanne, dit Colin.

– Oh! dit Nicolas! Tu m’embêtes. J’irai. Mais c’est pas chic de ta part.

– Tu reprendras tes bonnes manières.

– Tu as assez protesté contre mes bonnes manières…

– Oui, dit Colin, parce qu’avec moi, c’était pas la peine.

– Tu m’embêtes, dit Nicolas. Tu m’embêtes et tu m’embêtes.

XLVII

Colin entendit frapper à la porte de l’entrée et se hâta. Une de ses pantoufles avait un gros trou et il dissimula son pied sous le tapis.

– C’est haut, chez vous, dit Mangemanche en entrant.

Il émettait un souffle compact.

– Bonjour, docteur, dit Colin en rougissant, parce qu’il était obligé de montrer son pied.

– Vous avez changé d’appartement, dit le professeur, c’était moins loin avant.

– Mais non, dit Colin. C’est le même.

– Mais non, dit le professeur. Quand vous faites une plaisanterie, vous avez intérêt à être plus sérieux et à trouver des réponses plus spirituelles.

– Oui? dit Colin… Certainement.

– Comment ça va? la malade? dit le professeur. - C’est mieux, dit Colin. Elle a meilleure mine et elle n’a plus mal.

– Hum!… dit le professeur. C’est louche.

Il passa, suivi de Colin dans la chambre de Chloé et baissa la tête pour ne pas se heurter au chambranle, mais celui-ci s’infléchit au même moment et le professeur émit un gros juron. Chloé, dans son lit, riait en voyant l’entrée du professeur.

La chambre était parvenue à des dimensions assez réduites. Le tapis, contrairement à celui des autres pièces, avait épaissi, et le lit reposait maintenant, dans une petite alcôve avec des rideaux de satin. La grande baie était complètement divisée en quatre petites fenêtres carrées par les pédoncules de pierre qui avaient fini de pousser. Il y régnait une lumière un peu grise mais propre. Il y faisait chaud.

– Vous me direz encore que vous n’avez pas changé d’appartement, hein? dit Mangemanche.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Раковый корпус
Раковый корпус

В третьем томе 30-томного Собрания сочинений печатается повесть «Раковый корпус». Сосланный «навечно» в казахский аул после отбытия 8-летнего заключения, больной раком Солженицын получает разрешение пройти курс лечения в онкологическом диспансере Ташкента. Там, летом 1954 года, и задумана повесть. Замысел лежал без движения почти 10 лет. Начав писать в 1963 году, автор вплотную работал над повестью с осени 1965 до осени 1967 года. Попытки «Нового мира» Твардовского напечатать «Раковый корпус» были твердо пресечены властями, но текст распространился в Самиздате и в 1968 году был опубликован по-русски за границей. Переведен практически на все европейские языки и на ряд азиатских. На родине впервые напечатан в 1990.В основе повести – личный опыт и наблюдения автора. Больные «ракового корпуса» – люди со всех концов огромной страны, изо всех социальных слоев. Читатель становится свидетелем борения с болезнью, попыток осмысления жизни и смерти; с волнением следит за робкой сменой общественной обстановки после смерти Сталина, когда страна будто начала обретать сознание после страшной болезни. В героях повести, населяющих одну больничную палату, воплощены боль и надежды России.

Александр Исаевич Солженицын

Проза / Классическая проза / Классическая проза ХX века