– Oui. Une bonne petite balte dans le bide. Veille, le Veilleux, veille sur moi. Une grande fille rousse, efflanquée des cernes sous ses yeux enfoncés, des cheveux longs qui bouclent, un petit nez, la peau blême. Eventuellement deux filles derrière elle, des gamines toutes maigres. Tiens, regarde, dit-il en sortant une photo de sa poche.
– Elle s'habille comment? demanda gravement le Veilleux en examinant le cliché.
– Elle change tout le temps. Elle se grime, comme une gosse.
– Je préviens les autres?
– Oui.
Adamsberg passa le reste de la journée avec Aimont et les flics de Vaucouleurs. C'était la première fois qu'Aimont se trouvait face au travail du grand loup et il fut impressionné par le massacre opéré sur le troupeau. En fin d'après-midi la police de Digne adressa à Belcourt une photo de Massart qu'Aimont se chargea de faire agrandir et diffuser. En revanche, le dossier sur l'homme en provenance de Puygiron n'arrivait toujours pas. Adamsberg s'attarda à contempler le portrait d'Auguste Massart. Une grosse figure blanche et maussade, hostile, pas très plaisante. Des joues gonflées et lisses, un front court sous une frange basse de cheveux noirs, des yeux rapprochés, sombres, des sourcils peu fournis, une sorte de brutalité endormie.
Le dossier préparé par Danglard parvint à Belcourt à sept heures du soir. Adamsberg le plia avec soin, le glissa, bien à l'abri, dans sa poche intérieure, et regagna le camion.
Avant de se coucher, il ôta le 357 de son étui et le posa au bas de son lit, à proximité immédiate de sa main droite. Il s'allongea, prit la main de Camille et s'endormit. Camille regarda sa main un bon moment, l'esprit vacant, et la laissa là où elle se trouvait.
Le Veilleux, au lieu de garder Interlock vautré sur ses pieds, l'avait posté à l'extérieur.
– Surveille cette fille, lui avait-il recommandé en lui grattant les oreilles. Grande, rousse, efflanquée. C'est une tueuse. Gueule autant que tu pourras. Ne te fais pas de souci, ajouta-t-il en observant le ciel, il ne pleuvra pas cette nuit.
Interlock avait fait mine de tout piger et s'était couché au sol.
La chaleur monta d'un cran le jeudi 2 juillet. On attendit dans la torpeur. Camille déplaça le camion jusqu'au bourg pour remplir le réservoir d'eau. Le Veilleux appela le troupeau, prendre des nouvelles de la patte de George. Soliman se plongea dans le dictionnaire. Camille, un peu perturbée par la passivité de sa main gauche sur laquelle son esprit ne semblait pas avoir d'influence, laissa tomber la musique et se réfugia dans le
Ce ne fut que vers cinq heures de l'après-midi que les gendarmes de Poissy-le-Roy prévinrent leurs collègues de Vaucouleurs d'un massacre d'ovins survenu dans la nuit, à la bergerie des Chaumes. Les flics de Vaucouleurs alertèrent Belcourt avec du retard et Adamsberg n'eut la nouvelle qu'à huit heures du soir.
Il étala la carte sur la caisse en bois.
– Cinquante kilomètres à l'ouest de Vaucouleurs, dit-il. Toujours hors piste.
– Il s'éloigne, gronda Soliman.
– On ne bouge pas, dit Adamsberg.
– On va le rater! cria le jeune homme en se levant.
Le Veilleux, qui tisonnait le feu à deux mètres de là, tendit son bâton et toucha le jeune homme.
– Ne t'énerve pas, Sol, dit-il. On l'aura. Quoi qu'il arrive, on l'aura.
Soliman se laissa tomber sur son siège, l'air désolé, épuisé, comme à chaque fois que le Veilleux le touchait avec le bâton. Camille se demandait s'il mettait un produit dedans, ou quoi.
– “Soumission”, marmonna Soliman. “Fait de se soumettre; disposition à obéir.”
Après le dîner, Camille s'obstina à compulser le