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Très chère consœur,

Peut-être me connaissez-vous personnellement ? Peut-être ne suis-je pour vous qu’un visage parmi d’autres croisé au hasard d’une assemblée ? Qu’importe, les événements récents nous exhortent à bousculer les convenances, à renverser les barrières illusoires que le temps et les habitudes ont dressées entre nous. Sachez, pour commencer, que ce courrier a été recopié environ trois cents fois afin d’être distribué dans le plus grand nombre possible de domaines. Mes permanentes ainsi que des visiteuses de passage se sont mobilisées pour achever cette tâche avant le lever du jour, qu’elles en soient ici remerciées.

La rumeur a couru ces derniers jours que les protecteurs des sentiers se sont emparés du conventuel de Chaudeterre. Si elle a réellement eu lieu, ce dont je ne doute pas, hélas ! cette intolérable agression prouve que les couilles-à-masques sont passés à la phase finale de leur projet. S’attaquer à Chaudeterre, c’est en effet s’en prendre au symbole même de notre équilibre, de notre harmonie, c’est faire table rase des enseignements légués par nos ancêtres et, par conséquent, concourir à la ruine d’une certaine idée du nouveau monde.

J’ai eu moi-même à subir plusieurs de leurs assauts, chaque fois plus pressants, chaque fois plus meurtriers. J’ai réussi à les repousser pour l’instant grâce au courage et au dévouement des hommes du domaine. Les protecteurs des sentiers semblent avoir lancé des offensives sur plusieurs fronts dans le but, que j’estime évident, de nous maintenir isolées, de nous empêcher de nous regrouper. J’ai précisément envoyé ces missives au petit bonheur, un peu comme des bulles de pollen dispersées par le vent, pour prier ardemment chacune d’entre vous de prendre la seule décision qui s’impose en ces temps troublés : s’unir, s’unir tout de suite, par n’importe quel moyen, rassembler nos forces, nos hommes, nos fourches, nos masses, nos haches, nos faux, nos couteaux, notre bétail, porter immédiatement secours aux djemales de Chaudeterre, libérer le conventuel, puis battre toutes les plaines du Triangle avant que les protecteurs des sentiers ne jettent le masque et ne s’en retournent à leur intolérable anonymat. Il nous faut les identifier à tout prix, leur arracher leur déguisement, ne pas leur laisser un instant de répit, les pourchasser jusqu’aux confins du continent, jusqu’aux portes des enfers s’il le faut.

Comprenez, chère consœur, que nous n’avons plus d’autre choix que de brûler les mauvaises herbes, ou elles étoufferont le bon grain et transformeront nos terres en déserts. Les couilles-à-masques se sont déjà infiltrés dans nos tergiversations, dans nos contradictions et, si nous hésitons un jour de plus, ils s’engouffreront en masse dans une brèche béante, ils finiront de démanteler une construction dont ils sapent les fondations depuis trop longtemps.

J’en appelle donc à votre volonté de défendre ce monde que nos ancêtres ont mis plus d’un siècle à conquérir. Ce n’est pas parce que nous sommes engagées sur le sentier d’Ellula que nous devons refuser le combat auquel nous convie le présent. La guerre est aussi un acte d’amour véritable, nécessaire, lorsque nous en acceptons les règles, pas seulement pour nos enfants ou ceux que nous protégeons, mais aussi pour nos adversaires, ces hommes fourvoyés sur un sentier de violence comme le furent autrefois les Kroptes sanguinaires. Donnons-leur les baisers et les étreintes qu’ils attendent, des baisers et des étreintes de sang et de larmes. Nous n’en avons pas seulement la légitimité mais également le devoir, au sens de cette soumission à l’ordre invisible dont nous parle Ellula.

Seule, je ne tiendrai plus très longtemps face aux incursions répétées des couilles-à-masques. J’ai déjà perdu un constant, mon cher Andemeur, décapité d’un coup de hache, et six permanents qui ont payé leur bravoure de leur vie, mais avec votre soutien, avec une armée constituée de tous nos permanents et des volages qui épouseront notre cause, avec l’audace tranquille des combattants solidaires et résolus, nous renverserons, j’en suis sûre, le cours d’une histoire qui nous a échappé et nous restaurerons l’équilibre un instant menacé. Puis nous exhumerons avec sévérité nos propres manquements, nos propres erreurs. Car nous les mathelles, les mères, les femmes engagées sur le sentier d’Ellula, nous avons commis des erreurs funestes, nous avons pris des décisions iniques, nous avons usé et abusé de notre pouvoir pour conserver nos privilèges et consolider nos trônes de reines de ce monde. Nous ne pourrons pas faire l’impasse sur cet examen approfondi, cruel mais nécessaire. Plus tard, quand nous aurons résolu le conflit, nos consciences harcelées par le souvenir du sang versé nous empêcheront de dormir et nous obligeront à nous contempler en face.

En attendant, très chère consœur, je te supplie, oui, je te supplie de me répondre de toute urgence afin que je sache sur quelles forces compter. Au besoin, fais patienter le messager que je te dépêche – nous en sommes réduits à utiliser des enfants car nous ne pouvons pas nous permettre de priver notre petite troupe déjà affaiblie d’hommes dans la force de l’âge – et remets-lui immédiatement ta réponse. Je ne comprendrai pas qu’elle soit négative, mais je n’aurai pas d’autre choix que de l’accepter. Si elle est positive, indique-moi le nombre d’hommes dont tu disposes. Et puis arrange-toi pour faire transmettre ce message à d’autres mathelles, pour essayer d’augmenter le misérable pourcentage que représentent trois cents sur plus de trois mille. J’attends de recevoir plusieurs lettres – eh oui, je suis une incurable optimiste – avant de fixer un lieu de rendez-vous qui arrange les unes et les autres.

L’aube point. Les protecteurs des sentiers n’ont pas lancé d’attaque cette nuit. Notre unique prisonnier, un adolescent, un enfant, nous couvre d’insultes haineuses à travers la porte de son cachot. Nous ne nous sommes pas encore résolus à l’exécuter, même si l’envie me prend souvent de lui rentrer ses paroles à coups de couteau dans la gorge.

Qui sait ce qui arrivera demain ? Soyons attentives au présent.

Merilliam, mathelle du « Présent », plein nord, à environ deux cents lieues du centre historique de Cent-Sources.
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