Ah ! Andronic m'en a parlé, il y a longtemps. Ne s'agit-il pas de pauvres Galiléens ignorants et en haillons qui se réfugient dans les quartiers immondes ?
C'est cela même.
Et il a raconté qu'un homme du nom d'Etienne, porteur de vertus surnaturelles, selon les dires du peuple, avait rendu la vue à son oncle, à l'étonnement général.
Comment est-ce possible ? - a dit Saûl consterné. Comment Philodème peut-il se soumettre à des expériences aussi sordides ? Peut-être n'a-t-il pas compris que ce fait peut servir les manigances des ennemis de Dieu ? Depuis qu'Andronic m'en a parlé pour la première fois, à plusieurs reprises, j'ai entendu des commentaires concernant ces hommes et j'ai même échangé des idées avec Gamaliel dans l'intention de réprimer ces activités pernicieuses ; néanmoins, le maître, avec la tolérance qui le caractérise, m'a fait comprendre que ces gens aident de nombreuses personnes sans ressources.
Oui - l'a interrompu l'autre -, mais j'entends dire que les prêches d'Etienne enrôlent beaucoup d'intellectuels à ces nouveaux principes qui, en quelque sorte, infirment la Loi de Moïse.
Et pourtant, n'est-ce pas un charpentier galiléen obscur et sans culture qui est à l'origine d'un tel mouvement ? Que pourrions-nous attendre de la Galilée ? Aurait-elle, par hasard, produit autre chose que des légumes et des poissons ?
Néanmoins, le charpentier martyrisé est devenu une idole pour ses partisans. Comme je voulais à tout prix modifier les impressions de mon oncle, le rappelant à la raison, j'ai été amené à visiter, hier, les œuvres de charité dirigées par un certain Simon Pierre. C'est une institution étrange qui malgré tout est extraordinaire. Des enfants abandonnés y trouvent de l'affection, des lépreux y récupèrent la santé, des vieux malades désertés par la chance exultent de réconfort.
Mais et les malades ? Où restent les malades ? - a interrogé Saûl épouvanté.
Tous se rassemblent autour de ces hommes incompréhensibles.
Ils sont tous fous 1 - a dit le jeune homme de Tarse avec la franchise spontanée qui marquait ses attitudes.
Tous deux ont échangé des impressions personnelles sur la nouvelle doctrine, ponctuant d'ironie les commentaires des nombreux actes miséricordieux qui enthousiasmaient l'attention de l'humble peuple de Jérusalem.
Pour finir leur conversation, Sadoc a ajouté :
Je n'arrive pas
Sans aucun doute - a répondu Saûl. - Et j'assure prendre toutes les mesures que le cas en question exigera. Jusqu'à présent, l'attitude du Sanhédrin a été de la plus grande tolérance mais je ferai en sorte que tous les compagnons changent d'avis et procèdent comme il leur appartient de le faire, face à ces attaques qui défient une sévère punition.
Et, presque solennellement, il conclut :
Quels sont les jours de prêche de cet Etienne ?
Les samedis.
Très bien, après demain nous irons ensemble apprécier cette folie. Au cas où nous constaterions le caractère inoffensif de ses enseignements, nous le laisserons en paix avec sa verve concernant les afflictions de son prochain, mais si c'est le contraire, ils paieront tous très cher l'audace d'offenser nos codes religieux dans la métropole même du judaïsme.
Pendant un long moment encore, ils ont commenté les incidents sociaux, les intrigues du pharisaïsme auquel ils appartenaient, les succès du jour et les espoirs de l'avenir.
À la tombée du jour, la bige élégante de Saûl de Tarse a franchi les portes de Jérusalem, prenant la direction du port de Joppé.
Le soleil ardent, qui était encore haut à l'horizon, remplissait le chemin de sa vive lumière, alors que le visage du jeune docteur de la Loi rayonnait d'une joie folle au trot empressé des animaux qui de temps en temps commençaient à galoper. Il se rappelait satisfait le sport qu'il appréciait dans sa ville natale, si prisé des grecs où il avait été éduqué grâce à la bienveillance de son père. Les yeux fixés sur les chevaux impétueux et véloces, lui venaient à l'esprit les victoires atteintes avec ses partenaires de jeux dans son adolescence insouciante.