24
Le pouvoir que les personnes que nous aimons ont sur nous est presque toujours plus grand que celui que nous y avons nous-mêmes.
25
Ce qui nous fait croire si facilement que les autres ont des défauts, c'est la facilité que l'on a de croire ce qu'on souhaite.
26
L'intérêt est l'âme de l'amour-propre, de sorte que, comme le corps, privé de son âme, est sans vue, sans ouïe, sans connaissance, sans sentiment et sans mouvement, de même l'amour-propre séparé, s'il le faut dire ainsi, de son intérêt, ne voit, n'entend, ne sent et ne se remue plus; de là vient qu'un même homme qui court la terre et les mers pour son intérêt devient soudainement paralytique pour l'intérêt des autres; de là vient le soudain assoupissement et cette mort que nous causons à tous ceux à qui nous contons nos affaires; de là vient leur prompte résurrection lorsque dans notre narration nous y mêlons quelque chose qui les regarde; de sorte que nous voyons dans nos conversations et dans nos traités que dans un même moment un homme perd connaissance et revient à soi, selon que son propre intérêt s'approche de lui ou qu'il s'en retire.
2 Maximes fournies par des lettres
27
On ne donne des louanges que pour en profiter.
28
Les passions ne sont que les divers goûts de l'amour propre.
29
L'extrême ennui sert à nous désennuyer.
30
On loue et on blâme la plupart des choses parce que c'est la mode de les louer ou de les blâmer.
31
Il n'est jamais plus difficile de bien parler que lorsqu'on ne parle que de peur de se taire.
3 Maximes fournies par l'édition hollandaise de 1664
32
Si on avait ôté à ce qu'on appelle force le désir de conserver, et la crainte de perdre, il ne lui resterait pas grand'chose.
33
La familiarité est un relâchement presque de toutes les règles de la vie civile, que le libertinage a introduit dans la société pour nous faire parvenir à celle qu'on appelle commode. C'est un effet de l'amour-propre qui, voulant tout accommoder à notre faiblesse, nous soustrait à l'honnête sujétion que nous imposent les bonnes mœurs et, pour chercher trop les moyens de nous les rendre commodes, le fait dégénérer en vices. Les femmes, ayant naturellement plus de mollesse que les hommes, tombent plutôt dans ce relâchement, et y perdent davantage: l'autorité du sexe ne se maintient pas, le respect qu'on lui doit diminue, et l'on peut dire que l'honnête y perd la plus grande partie de ses droits.
34
La raillerie est une gaieté agréable de l'esprit, qui enjoue la conversation, et qui lie la société si elle est obligeante, ou qui la trouble si elle ne l'est pas. Elle est plus pour celui qui la fait que pour celui qui la souffre. C'est toujours un combat de bel esprit, que produit la vanité; d'où vient que ceux qui en manquent pour la soutenir, et ceux qu'un défaut reproché fait rougir, s'en offensent également, comme d'une défaite injurieuse qu'ils ne sauraient pardonner. C'est un poison qui tout pur éteint l'amitié et excite la haine, mais qui corrigé par l'agrément de l'esprit, et la flatterie de la louange, l'acquiert ou la conserve; et il en faut user sobrement avec ses amis et avec les faibles.
4 Maximes fournies par le supplément de l'édition de 1693
35
Force gens veulent être dévots, mais personne ne veut être humble.
36
Le travail du corps délivre des peines de l'esprit, et c'est ce qui rend les pauvres heureux.
37
Les véritables mortifications sont celles qui ne sont point connues; la vanité rend les autres faciles.
38
L'humilité est l'autel sur lequel Dieu veut qu'on lui offre des sacrifices.
39
Il faut peu de choses pour rendre le sage heureux; rien ne peut rendre un fol content; c'est pourquoi presque tous les hommes sont misérables.
40
Nous nous tourmentons moins pour devenir heureux que pour faire croire que nous le sommes.
41
Il est bien plus aisé d'éteindre un premier désir que de satisfaire tous ceux qui le suivent.
42
La sagesse est à l'âme ce que la santé est pour le corps.
43
Les grands de la terre ne pouvant donner la santé du corps ni le repos d'esprit, on achète toujours trop cher tous les biens qu'ils peuvent faire.
44
Avant que de désirer fortement une chose, il faut examiner quel est le bonheur de celui qui la possède.
45
Un véritable ami est le plus grand de tous les biens et celui de tous qu'on songe le moins à acquérir.
46
Les amants ne voient les défauts de leurs maîtresses que lorsque leur enchantement est fini.
47
La prudence et l'amour ne sont pas faits l'un pour l'autre: à mesure que l'amour croît, la prudence diminue.
48
Il est quelquefois agréable à un mari d'avoir une femme jalouse: il entend toujours parler de ce qu'il aime.
49
Qu'une femme est à plaindre, quand elle a tout ensemble de l'amour et de la vertu!
50
Le sage trouve mieux son compte à ne point s'engager qu'à vaincre.
51
Il est plus nécessaire d'étudier les hommes que les livres.
52