Читаем Сatherine et le temps d'aimer полностью

Malgré, elle, Catherine sourit. D'abord parce que l'amabilité d'Amina était contagieuse, ensuite parce que ses paroles lui rappelaient sa première rencontre avec le petit médecin maure, dans l'auberge de la route de Péronne quand, pour la première fois, il avait soigné Arnaud que Catherine et son oncle Mathieu avaient trouvé blessé au bord du chemin. Elle connaissait la prodigieuse habileté de son ami. Aussi se laissa-t-elle emmener sans résistance, d'autant plus que Gauthier lui déclara, au passage :

— Je reste près de lui...

Les deux femmes allèrent s'asseoir au bord de l'étroit canal qui axait le jardin. Un double lit de roses le bordait et de minces jets d'eau s'y entrecroisaient, entretenant une fraîcheur délicieuse où se dissolvaient la fatigue et la chaleur du jour. Des coussins de soie, assortis à la nuance des fleurs, étaient empilés sur la margelle de pierre auprès de grosses lampes de bronze doré et de grands plateaux d'or chargés de pâtisseries et de fruits de toutes sortes. Amina invita Catherine à prendre place auprès d'elle après avoir, d'un mot bref, éloigné ses femmes dont les voiles tendres disparurent peu à peu dans la maison ou dans les ombres du jardin.

Un long moment, les deux femmes gardèrent le silence. Catherine, épuisée par ce qu'elle venait de vivre, goûtait inconsciemment la paix embaumée de ce beau jardin, la sérénité qui se dégageait de la femme assise auprès d'elle. Après de si cruelles angoisses, après avoir pensé cent fois mourir de peur, de chagrin et de douleur, l'épouse d'Arnaud croyait se retrouver presque en Paradis. La mort, la peur, l'inquiétude même avaient fui. Dieu ne pouvait pas avoir si miraculeusement sauvé Arnaud pour le lui reprendre aussitôt. On allait le guérir, le sauver... Elle en était certaine !

Observant sa visiteuse involontaire, la sultane respecta sa rêverie avant de désigner les grands plateaux.

— Tu es lasse, épuisée sans doute, dit-elle doucement. Repose-toi et mange !

— Je n'ai pas faim, répondit Catherine avec l'ébauche d'un sourire.

Mais, en revanche, je voudrais savoir : comment suis-je ici ? Que s'est-il passé ? Peux-tu me le dire, toi qui m'accueilles avec tant de générosité ?

— Pourquoi ne me montrerais-je pas amicale envers toi ? Parce que mon seigneur voulait faire de toi sa seconde épouse ? Notre loi lui donne droit à autant d'épouses qu'il le désire et... si tu songes à mes sentiments personnels, il y a longtemps qu'il ne m'inspire plus qu'indifférence.

— On dit, pourtant, que vous demeurez fort unis.

— En apparence. Peut-être, en effet, tient-il à moi, mais son incroyable faiblesse envers Zobeïda, la facilité avec laquelle il acceptait ses pires débordements et jusqu'à ses crimes, jusqu'aux tentatives de meurtre qu'elle a perpétrées contre moi, ont tué peu à peu l'amour dans mon cœur. Tu es la bienvenue, Lumière de l'Aurore, et plus encore depuis que je sais ce que tu as souffert. Il est noble et beau qu'une femme risque tant de maux pour l'homme qu'elle aime. J'ai aimé ton histoire. C'est pourquoi j'ai accepté d'aider Abou-al- Khayr dans son projet.

— Pardonne-moi d'insister, mais que s'est-il passé au juste ?

Un sourire amusé découvrit les petites dents blanches d'Amina.

Elle avait saisi, près d'elle, un éventail fait de fines feuilles de palme enluminées et dorées et l'agitait doucement du bout de ses doigts minces, teints au henné.

— En ce moment, le seigneur Mansour ben Zegris est en train d'essayer d'arracher à Muhammad le trône de Grenade.

— Mais... pourquoi ?

Pour me venger. Il me croit mourante. Non, ne me regarde pas ainsi, continua Amina avec un rire bref, je me porte bien, mais Abou le Médecin a fait courir le bruit que le Grand Vizir, rendu fou de douleur par la mort de Zobeïda, m'avait fait empoisonner pour que j'accompagne mon ennemie aux séjours des morts et n'aie pas le loisir de me réjouir du décès de la princesse.

— Et Mansour ben Zegris l'a cru ?

— Ce matin, comme un fou, il s'est précipité ici. Il a trouvé mes femmes déchirant leurs voiles, mes serviteurs poussant des clameurs de douleur et moi-même, étendue sur un lit, pâle comme une morte.

Elle s'interrompit pour sourire à Catherine puis, prévenant la question qui venait :

— Abou-al-Khayr est un grand médecin. Mansour m'a vue de loin d'ailleurs et n'a pas douté un seul instant. Dès lors l'attaque d'Al Hamra était décidée. Abou, qui connaît bien Mansour, a suggéré que l'heure de l'exécution serait la plus favorable pour l'attaque puisque le Calife, sa Cour et une partie de ses troupes seraient hors de la forteresse. Tout a été décidé ainsi et, quand les tambours de la Mosquée Royale ont sonné l'alerte, Abou-al-Khayr a fait, en bâillant, le signal convenu avec tes serviteurs. Tu connais la suite...

Cette fois Catherine avait compris. Abou avait fomenté une révolte en excitant Mansour pour qu'à la faveur de l'agitation la fuite du condamné puisse s'effectuer.

— Dieu soit loué, soupira-t-elle, qui a permis que mon époux puisse supporter, sans en mourir, tant de souffrances !

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