« Les mauvais jours, trop nombreux, que vous avez connus, sont terminés. Vous avez devant vous une longue vie de bonheur et d'amour... et la joyeuse perspective de toute une génération de Montsalvy de bonne race à mettre sur pied ! Messieurs, et vous belles dames, je vous demande maintenant de vous lever et de boire, avec moi, au bonheur de Catherine et d'Arnaud de Montsalvy. Longue vie, messeigneurs, et grandes heures au plus vaillant des chevaliers chrétiens et à la plus belle dame d'Occident ! »
L'ovation formidable qui salua les dernières paroles de Xaintrailles se répercuta jusqu'aux voûtes neuves du grand château, alla rejoindre les cris de joie des villageois et, pendant un instant, la petite cité fortifiée ne fut plus qu'un cri de joie et d'amour. Catherine, pâle d'émotion, voulut se lever pour répondre à cette acclamation, mais c'en était trop pour elle. Ses forces la trahirent et elle dut s'appuyer à l'épaule de son époux pour ne pas tomber.
— C'est trop, mon Dieu, murmura-t-elle. Comment peut-on, sans mourir, supporter tant de joie ?
— Je crois, fit-il en riant, que tu t'y habitueras très bien.
Il était tard dans la nuit quand, après le bal, Catherine et Arnaud regagnèrent la chambre qu'ils s'étaient réservée dans la tour sud.
Un peu partout, dans le château, les serviteurs, harassés, dormaient là où le sommeil les avait vaincus. La Reine et le Connétable s'étaient retirés depuis longtemps dans leurs appartements, mais, dans les coins obscurs, on pouvait rencontrer encore quelques buveurs impénitents qui achevaient de célébrer à leur manière une si mémorable fête. Dans la cour, on dansait encore autour des feux mourants aux échos de chansons émises par les gosiers les plus solides.
Comme les autres, Catherine était lasse, mais elle n'avait pas sommeil. Elle était trop profondément heureuse pour vouloir que cette joie s'envolât déjà dans le repos. Assise au pied du grand lit à courtines de damas bleu, elle regardait Arnaud mettre ses femmes à la porte sans plus de cérémonie.
— Pourquoi les renvoies-tu ? demanda-t-elle. Je ne pourrai jamais sortir de cette toilette sans leur aide.
— Je suis là, moi, fit-il avec un sourire moqueur. Tu vas voir quelle merveilleuse chambrière je fais.
Ôtant rapidement son pourpoint qu'il jeta dans un coin, il se mit en devoir d'enlever une à une les épingles » qui retenaient le grand hennin sur la tête de Catherine. Il le faisait avec une légèreté, une adresse qui firent sourire la jeune femme.
— C'est vrai ! Tu es aussi adroit que Sara.
— Attends, tu n'as rien vu. Lève-toi...
Elle obéit, prête à lui indiquer les agrafes et les rubans qu'il fallait défaire en premier pour enlever sa robe, mais, brusquement, Arnaud avait empoigné le décolleté de ladite robe, tiré d'un coup sec. Le satin d'azur se déchira de haut en bas, la fine chemise de batiste avec lui, et Catherine, avec un cri de mécontentement, se retrouva aussi nue que la main, à seule exception de ses bas de soie bleue.
— Arnaud ! Est-ce que tu es fou ?... Une robe pareille !
— Justement. Tu ne dois pas remettre deux fois une robe dans laquelle tu as connu pareil triomphe. C'est un souvenir... et puis, ajouta-t-il en la prenant dans ses bras et en collant ses lèvres à celles de la jeune femme, c'est vraiment trop long à défaire !
Le « souvenir » alla s'étaler sur le sol tandis que Catherine, avec un soupir de bonheur, s'abandonnait déjà.
La bouche d'Arnaud était chaude et sentait un peu le vin, mais elle n'avait rien perdu de son habileté à éveiller en Catherine des sensations désordonnées. Il l'embrassait pourtant posément, consciemment, cherchant à éveiller en la jeune femme ce désir qui en faisait une bacchante sans pudeur ni retenue. D'une main, il la maintenait contre lui, mais, de l'autre, il caressait lentement son dos, son flanc, remontait vers un sein pour glisser ensuite vers la douce courbe du ventre. Et Catherine, déjà, vibrait, comme une harpe dans le vent.
— Arnaud... balbutia-t-elle contre sa bouche, je t'en prie...
À pleines mains, il lui prit la tête, noyant ses doigts dans les flots soyeux de sa chevelure, tira en arrière pour voir son visage en pleine lumière.
— Tu me pries de quoi, ma douce ? De t'aimer ? Mais c'est bien ce que j'ai l'intention de faire. Je vais t'aimer, Catherine, ma mie, jusqu'à ce que tu en perdes le souffle, jusqu'à ce que tu cries grâce... J'ai faim de toi comme si tu ne m'avais pas déjà donné deux enfants...
En même temps, il la courbait en arrière jusqu'à ce que plient ses genoux, jusqu'à ce qu'elle chût avec lui sur la grande peau d'ours étalée devant la cheminée, puis se laissa tomber sur elle et l'enferma entre ses bras.
— Voilà ! tu es ma prisonnière et tu ne m'échapperas plus !
Mais elle nouait déjà ses bras au cou de son époux et cherchait à son tour sa bouche.
— Je n'ai pas envie de t'échapper, mon amour. Aime-moi, aime-moi jusqu'à ce que j'oublie que je ne suis pas toi, jusqu'à ce que nous ne fassions plus qu'un.