En allant de Heidelberg à Francfort on passe aux portes de Darmstadt. J’avais appris par hasard que le lendemain c’était la fête de la Grande-D*
. J’avais pensé qu’il était convenable de profiter de la circonstance pour aller lui offrir mes hommages. Cette supposition paraissait assez naturelle. Eh bien, il est possible que je me suis trompé dans mes calculs. Au moins j’ai cru remarquer que ma présence gênait les alentours à cause d’un certain dîner à la campagne qui devait se donner le lendemain et auquel on ne savait pas si l’on pouvait convenablement associer un étranger, arrivé impromptu. Je coupai court à leurs hésitations, en déclarant que je devais partir nécessairement aussitôt après la messe. Ce que je fis en effet, après avoir gratifié de quelques paroles gracieuses et shake hands obligé… Quoiqu’il en soit, me voilà garanti pour longtemps de tout retour de velléités courtisanesques…*Ma chatte chérie, je voudrais bien que dans ce moment-ci tu m’envoyasses une inspiration. Le silence de ton frère me jette dans de grandes perplexités. J’avais espéré à mon arrivée à Francfort d’y trouver un mot d’avis de sa part, en réponse à ta lettre que je lui ai écrite de Bade, il y a trois semaines passées, ce qui est un laps de temps plus que suffisant pour permettre à cette réponse d’arriver, en dépit de tous les distances que son déplacement et le mien ont pu occasionner. Je suis donc obligé de supposer ou que ma lettre, arrivée à Munich, y est restée
, ou bien que ton frère a déjà quitté Ostende, ou ce qu’à Dieu ne plaise que les soucis que lui donne la société de Hubert l’empêchent de me répondre. Quoiqu’il en soit des motifs de son silence, toujours est-il que je suis dans la plus complète ignorance de son sujet et dans l’impossibilité même de conjecturer, si en allant à Ostende j’ai encore la chance de l’y rencontrer. Et cependant je ne voudrais pas faire ce voyage en pure perte, tant aussi peu que je me résigne à l’idée d’être venu en Allemagne, sans l’avoir vu… A l’heure qu’il est il me reste bien encore deux cents ducats, mais il n’y a là rien de trop, pour payer l’excédent de la dépense que me coûtera le transport de ta voiture par le chemin de fer. Or je tiens à te le ramener, je veux au moins que mon voyage ait eu un résultat pratique quelconque. J’en ai besoin pour le justifier à mes propres yeux. J’ai bien la chance de demander à mon passage par Berlin une nouvelle course de courrier. Mais ai-je aussi celle de l’obtenir?.. Toutes ces considérations disparaîtraient, si j’avais la certitude de trouver ton frère à Ostende, mais s’il n’y était plus?..Eh bien, que faire?.. Adieu, ma chatte chérie. Je vois bien que tu ne veux pas me répondre et les écritures m’embêtent.
Tout à toi et rien qu’à toi. T. T.
Перевод
Франкфурт-на-Майне. 29 июля/10 августа 1847
Милая кисанька, третьего дня, приехав сюда, первым моим движением было бежать на почту, где меня и в самом деле ожидала радость — меня дожидались три твоих письма, поскольку, должен тебе сказать, я смирился с мыслью не иметь от тебя вестей во время моего пребывания в Вильдбаде, чтобы не потерять какое-нибудь из твоих писем вследствие их пересылки из одного места в другое. Если ты случайно воображаешь, будто своими письмами ты утоляешь мое нетерпение видеть тебя, то ты глубоко ошибаешься, ибо мне не случалось прочитать хотя бы одно без ощущения крайней нелепости того, что я покинул тебя. Никто не может состязаться с тобой в остроумии, и я великолепно понимаю, что после тебя все, кого я встречаю в свете, кажутся мне пресными и бесцветными, мне нужен хотя бы отзвук твоего присутствия, чтобы я мог переносить остальных… Это очень досадно, но это так.