Mes chères filles. J’ai vu hier la tante Mouravieff à son retour de Smolna, et il a été convenu entre nous que c’est elle qui passerait chez Madame Léontieff dans le courant de la semaine prochaine pour lui demander de vous laisser aller chez elle. Je suis bien
T. Tutchef
Милые мои дочери, я виделся вчера с тетушкой Муравьевой по ее возвращении из Смольного, и мы порешили между собой, что она поедет к госпоже Леонтьевой на будущей неделе и попросит ее отпустить вас к себе. Я весьма
Ф. Тютчев
Тенгоборскому Л. В., 3 декабря 1849*
Monsieur,
J’ai lu votre mémoire*
avec une bien grande satisfaction, j’oserai dire, avec une satisfaction d’amour-propre. Car j’y ai trouvé la confirmation éclatante de tout ce que j’ai pensé, c’est-à-dire pressenti et conjecturé au sujet de l’Autriche, car pour voir il faut être sur les lieux. En l’absence des objets on ne peut que les pressentir. Votre mémoire contient des paroles d’or, même à notre adresse.Mais savez-vous l’impression définitive qui m’en est restée relativement à l’Autriche? C’est que ce pays est décidément et sans retour voué à la révolution, et cela par une très simple raison: c’est que l’Autriche, dans l’intérêt de sa conservation, même momentanée, est obligée de se faire plus allemande que jamais. Or, n’en déplaise à ceux que ce fait contrarie beaucoup, la civilisation allemande, la pensée, l’intelligence allemande —
Mais si la révolution est un dissolvant tout-puissant, même appliqué à un état fortement et solidement homogène, comme l’est la France, par exemple, que sera-ce donc pour un empire comme l’Autriche? Ce sera évidemment de l’étisie galopante. Personne ne l’a mieux fait voir que vous dans votre mémoire.
Mais quelque courte qu’aura été cette durée, elle aura toujours été assez longue, pour faire un mal immense: celui d’avoir inoculé la révolution aux races slaves, même à celles d’entr’elles qui jusqu’à présent en étaient parfaitement vierges. C’est là, je le répète, un mal immense et de plus un immense danger personnel pour la Russie. — L’Autriche, telle que la voilà devenue, ne peut pas ne pas communiquer la révolution aux races slaves qui lui sont soumises — aussi bien par l’action que par la réaction, aussi bien par l’influence directe des institutions nouvelles que par la nécessité où vont se trouver les populations slaves d’exagérer la portée révolutionnaire de ces institutions, pour s’en faire des armes défensives contre la propagande allemande. Car, que la
Or, un pareil résultat, l’inoculation du principe révolutionnaire aux races slaves, aurait dans l’état actuel du monde des conséquences incalculables. Car dans cette lutte suprême entre la Russie et la révolution, toutes deux puissances et principes en même temps, il n’y avait jusqu’à présent de véritablement neutres que ces races… et il est évident que celle des deux puissances qui la première saura se les approprier, les rallier à son drapeau, cette puissance-là, dis-je, aura les meilleures chances de faire décider en sa faveur le grand procès qui se plaide devant nous…