Une troisième solution peut s’offrir à l’écrivain :
l’emploi de cette langue dépouillée, presque abstraite, à la fois circonspecte
et précise, qui en France a servi durant des siècles aux prédicateurs, aux
moralistes, et parfois aussi aux romanciers de l’époque classique pour traiter
de ce qu’on appelait alors « les égarements des sens ». Ce style
traditionnel de l’examen de conscience se prête si bien à formuler les
innombrables nuances de jugement sur un sujet de par sa nature complexe comme
la vie elle-même qu’un Bourdaloue ou un Massillon y ont eu recours pour
exprimer l’indignation ou le blâme, et un Laclos le libertinage ou la volupté.
Par sa discrétion même, ce langage décanté m’a semblé particulièrement convenir
à la lenteur pensive et scrupuleuse d’Alexis, à son patient effort pour se
délivrer maille par maille, d’un geste qui dénoue plutôt qu’il ne rompt, du
filet d’incertitudes et de contraintes dans lesquelles il se trouve engagé, à
sa pudeur où il entre du respect pour la sensualité elle-même, à son ferme
propos de concilier sans bassesse l’esprit et la chair.