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Ce fut plus long ce soir-là à cause de l'arbre de Noël organisé par le comité d'entreprise de l'une des sociétés dont elles avaient la charge. Josy secoua la tête de désapprobation en avisant tout le bordel et Mamadou récupéra des dizaines de mandarines et des mini-viennoiseries pour ses enfants. Elles ratèrent toutes le dernier métro mais ce n'était pas grave : Touclean leur payait le taxi à toutes ! Byzance ! Chacune choisit son chauffeur en gloussant et elles se souhaitèrent un joyeux Noël en avance puisque seules Camille et Samia s'étaient inscrites pour le 24.

12

Le lendemain, dimanche, Camille déjeuna chez les Kessler. Impossible d'y couper. Ils n'étaient que tous les trois et la conversation fut plutôt gaie. Pas de questions délicates, pas de réponses ambiguës, pas de silences gênés. Une vraie trêve de Noël. Ah si ! à un moment, quand Mathilde s'inquiéta de ses conditions de survie dans leur chambre de bonne, Camille dut mentir un peu. Elle ne voulait pas évoquer son déménagement. Pas encore... Méfiance... Le petit roquet n'était pas tout à fait parti et un psychodrame pouvait bien en cacher un autre...

En soupesant son cadeau, elle assura :

— Je sais ce que c'est...

— Non.

— Si!

— Vas-y alors, dis-le... Qu'est-ce que c'est ?

Le paquet était emballé avec du papier kraft. Camille défit le bolduc, le posa bien à plat devant elle et sortit son critérium.

Pierre buvait du petit-lait. Si seulement elle pouvait s'y remettre cette bourrique...

Quand elle eut fini, elle retourna son dessin vers lui : le canotier, la barbe rousse, les yeux comme deux gros boutons de culotte, la veste sombre, l'encadrement de la porte et le pommeau vrillé, c'était exactement comme si elle venait de décalquer la couverture.

Pierre mit un moment avant de comprendre :

— Comment tu as fait ?

— J'ai passé plus d'une heure, hier, à le regarder...

— Tu l'as déjà ?

— Non.

— Ouf...

Puis:

— Tu t'y es remise ?

— Un peu...

— Comme ça ? fit-il en indiquant le portrait d'Edouard Vuillard, encore le petit chien savant ?

— Non, non... Je... Je remplis des carnets... enfin presque rien... Des petites choses, quoi...

— Tu t'amuses au moins ?

— Oui.

Il frétillait :

— Aaah parfait... Tu me montres ?

— Non.

— Et comment va ta maman ? coupa la très diplomate Mathilde. Toujours au bord du gouffre ?

— Au fond plutôt...

— Alors c'est que tout va bien, n'est-ce pas ?

— Parfaitement bien, sourit Camille.

Ils passèrent le reste de la soirée à pérorer peinture. Pierre commenta le travail de Vuillard, chercha des affinités, établit des parallèles et se perdit dans d'interminables digressions. Plusieurs fois, il. se leva pour aller chercher dans sa bibliothèque les preuves de sa perspicacité et, au bout d'un moment, Camille dut s'asseoir tout au bout du canapé pour laisser sa place à Maurice (Denis), à Pierre (Bonnard), à Félix (Vallotton) et à Henri (de Toulouse-Lautrec).

Comme marchand, il était pénible, mais comme amateur éclairé, c'était un vrai bonheur. Bien sûr, il disait des bêtises — et qui n'en disait pas en matière d'art ? — mais il les disait bien. Mathilde bâillait et Camille finissait la bouteille de Champagne. Piano ma

sano.

Quand son visage eut presque disparu derrière les volutes de son cigare, il lui proposa de la raccompagner en voiture. Elle refusa. Elle avait trop mangé et une longue marche s'imposait.

L'appartement était vide et lui sembla beaucoup trop grand, elle s'enferma dans sa chambre et passa l'autre moitié de la nuit le nez dans son cadeau.

Elle dormit quelques heures dans la matinée et rejoignit sa collègue plus tôt que d'habitude, c'était le soir de Noël et les bureaux se vidaient à cinq heures. Elles travaillèrent vite et en silence.

Samia partit la première et Camille resta un moment à plaisanter avec le vigile :

— Mais pour la barbe et le bonnet, t'étais obligé ?

— Beuh non, c'était une initiative auto-personnelle pour mettre de l'ambiance !

— Et ça a marché ?

— Pfff, tu parles... Tout le monde s'en fout... Y a qu'à mon chien que ça a fait de l'effet... Il m'a pas reconnu et il m'a grogné dessus, ce con... Je te jure, j'en ai eu des chiens cons, mais celui-là, c'est le pompon...

— Il s'appelle comment ?

— Matrix.

— C'est une chienne ?

— Non pourquoi ?

— Euh... pour rien... Bon, ben salut, hein... Joyeux Noël Matrix, fit-elle en s'adressant au gros doberman couché à ses pieds.

— Espère pas qu'il va te répondre, il comprend rien, je te dis...

— Nan, nan, répondit Camille en riant, j'espérais pas...

Ce mec, c'était Laurel et Hardy à lui tout seul.

Il était près de vingt-deux heures. Les gens étaient élégants, ils trottinaient dans tous les sens les bras chargés de paquets. Les dames avaient déjà mal aux pieds dans leurs escarpins vernis, les enfants zigzaguaient entre les plots et les messieurs consultaient leurs agendas devant des interphones.

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