Harry sentit son cœur chavirer. Son père et sa mère le regardaient en souriant, assis de part et d’autre d’un petit homme aux yeux larmoyants que Harry reconnut aussitôt : c’était Queudver, celui qui avait révélé à Voldemort la cachette de ses parents, contribuant ainsi à leur assassinat.
– Hein ? dit Maugrey.
Harry leva les yeux vers son visage ravagé de cicatrices. Bien entendu, Maugrey était convaincu d’avoir fait un grand plaisir à Harry.
– Oui, très bien, dit Harry, s’efforçant à nouveau de sourire. Heu… excusez-moi, mais je viens de me souvenir que j’ai oublié de mettre dans ma valise…
Il n’eut pas à se donner la peine d’imaginer quel objet il avait pu oublier. Sirius venait en effet de dire : « Qu’est-ce que tu as là, Maugrey ? » et Fol Œil s’était aussitôt tourné vers lui.
Harry traversa rapidement la cuisine, se glissa par la porte et monta l’escalier avant que quiconque ait eu le temps de le rappeler.
Il ne savait pas pourquoi il avait éprouvé un tel choc. Il avait déjà vu d’autres photos de ses parents auparavant et il avait connu Queudver… mais les voir surgir soudain devant lui, au moment où il s’y attendait le moins… Personne n’aimerait ça, pensa-t-il avec colère…
Et puis, tous ces visages heureux autour d’eux… Benjy Fenwick, qu’on avait retrouvé en morceaux, et Gideon Prewett, qui était mort en héros, et les Londubat, devenus fous à force de torture… tous agitant joyeusement la main, sans savoir qu’ils étaient condamnés… Maugrey trouvait peut-être ça intéressant… Pour Harry, il y avait plutôt de quoi être bouleversé…
Content d’être à nouveau seul, il monta l’escalier du hall sur la pointe des pieds en passant devant les têtes d’elfes empaillées mais, lorsqu’il approcha du premier étage, il entendit des sanglots qui venaient du salon.
– Il y a quelqu’un ? demanda-t-il.
Personne ne répondit, mais il entendait toujours pleurer. Il monta alors les dernières marches quatre à quatre, traversa le palier et ouvrit la porte du salon.
Quelqu’un était prostré contre le mur sombre, une baguette magique à la main, les épaules secouées de sanglots. Étendu sur le vieux tapis poussiéreux, éclairé par un rayon de lune, il y avait un corps. Un corps mort, de toute évidence. Celui de Ron.
Harry sentit ses poumons se vider. Il eut l’impression de tomber à travers le plancher dans une chute vertigineuse. Un froid glacial se répandit dans sa tête. Ron mort, non, c’était impossible…
Mais oui, bien sûr que c’était
– Mrs Weasley ? appela Harry d’une voix rauque.
–
Le cadavre de Ron se transforma en celui de Bill, les bras en croix, les yeux grands ouverts, le regard vide. Mrs Weasley se mit à pleurer de plus belle.
–
Le corps de Mr Weasley remplaça celui de Bill, les lunettes de travers, un filet de sang coulant sur son visage.
– Non ! se lamenta Mrs Weasley. Non…
– Mrs Weasley, sortez vite d’ici ! s’écria Harry en regardant son propre cadavre. Quelqu’un d’autre va s’occuper de…
– Qu’est-ce qui se passe ?
Lupin était accouru dans le salon, suivi de près par Sirius, Maugrey boitant derrière eux. Lupin regarda successivement Mrs Weasley puis le corps de Harry étendu par terre et comprit aussitôt. Sortant sa propre baguette magique, il lança haut et clair :
–
Le cadavre de Harry disparut. Une sphère argentée flotta en l’air, au-dessus de l’endroit où il s’était trouvé un instant auparavant. Lupin agita une nouvelle fois sa baguette et la sphère s’évapora en une volute de fumée.
– Oh… Oh… Oh…, s’étrangla Mrs Weasley, le visage dans les mains, en proie à une véritable tempête de larmes.
– Molly, dit Lupin d’un ton grave en s’approchant d’elle, Molly, ne…
Elle se jeta alors sur son épaule et sanglota de toutes ses forces.
– Molly, c’était un simple Épouvantard, murmura Lupin d’une voix apaisante en lui caressant les cheveux.
– Je les vois m-m-morts tout le temps ! gémit Mrs Weasley. Tout le t-t-temps ! J’en r-r-rêve…
Sirius contemplait l’endroit du tapis où le faux cadavre de Harry s’était trouvé un peu plus tôt. Maugrey, lui, observait Harry qui évitait son regard. Il avait l’étrange impression que son œil magique l’avait suivi depuis qu’il était sorti de la cuisine.
– N-n-ne le dites pas à Arthur, hoqueta Mrs Weasley en s’épongeant fébrilement les yeux avec ses manchettes. Je n-n-ne veux pas qu’il sache… que je suis une idiote…
Lupin lui tendit un mouchoir.
– Harry, je suis désolée. Qu’est-ce que tu dois penser de moi ? bredouilla-t-elle d’une voix tremblante. Pas même capable de se débarrasser d’un Épouvantard…
– Ne soyez pas stupide, dit Harry en s’efforçant de sourire.