Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome II полностью

Puis, tout en chantonnant pour faire croire à la tranquillité de son esprit, elle traversa sa chambre et s’avança vers la porte du jardin.


Gilbert comprit l’intention de Nicole, et un instant il se demanda si, au lieu de se faire reconnaître, il ne sortirait point par surprise, profitant du moment où la porte serait entrouverte pour fuir; mais alors il serait vu sans être reconnu; il serait pris pour un voleur, Nicole crierait au secours, il n’aurait pas le temps de regagner sa corde, et, la regagnât-il, il serait vu dans sa fuite aérienne, ce qui dénoncerait sa retraite et ferait scandale, scandale qui ne pouvait manquer d’être grand chez des gens aussi mal intentionnés que l’étaient les Taverney pour le pauvre Gilbert.


Il est vrai qu’il dénoncerait Nicole, qu’il ferait chasser Nicole; mais à quoi cela servirait-il? Gilbert aurait fait le mal sans profit, par pure vengeance. Gilbert n’était pas si faible d’esprit que cela, qu’il se sentît satisfait quand il serait vengé; la vengeance sans utilité était pour lui plus qu’une mauvaise action: c’était une sottise.


Lorsque Nicole fut près de la porte de sortie où l’attendait Gilbert, celui-ci sortit donc tout à coup de l’ombre où il était caché et apparut à la jeune fille dans un rayon de lumière produit par la clarté de la lune passant à travers les vitres.


Nicole allait crier, mais elle prit Gilbert pour un autre, et, après un premier mouvement d’effroi:


– Oh! c’est vous, dit-elle, quelle imprudence!


– Oui, c’est moi, répliqua tout bas Gilbert; seulement ne criez pas plus pour moi que vous ne l’eussiez fait pour un autre.


Cette fois, Nicole reconnut son interlocuteur.


– Gilbert! s’écria-t-elle, mon Dieu!


– Je vous avais priée de ne pas crier, dit froidement le jeune homme.


– Mais que faites-vous ici, monsieur? brusqua Nicole dans sa colère.


– Allons, dit Gilbert avec la même tranquillité, voilà que vous m’avez appelé imprudent tout à l’heure, et que vous êtes maintenant plus imprudente que moi.


– Oui, en effet, dit Nicole, je suis bien bonne de vous demander ce que vous faites ici.


– Qu’y fais-je donc?


– Vous y venez voir mademoiselle Andrée.


– Mademoiselle Andrée? dit Gilbert avec sa même tranquillité.


– Oui, dont vous êtes amoureux, mais qui, par bonheur, ne vous aime pas.


– Vraiment?


– Seulement, prenez garde, monsieur Gilbert, continua Nicole d’un ton de menace.


– Que je prenne garde?


– Oui.


– À quoi?


– Prenez garde que je ne vous dénonce.


– Toi, Nicole?


– Oui, moi, et que je vous fasse chasser.


– Essaye, dit Gilbert en souriant.


– Tu m’en défies?


– Positivement.


– Qu’arrivera-t-il donc si je dis à mademoiselle, à M. Philippe, à M. le baron, que je t’ai rencontré ici?


– Il arrivera comme tu l’as dit, non pas qu’on me chassera – je suis, Dieu merci, tout chassé – mais qu’on me traquera comme une bête fauve. Seulement, celle que l’on chassera, ce sera Nicole.


– Comment, Nicole?


– Certainement, Nicole – Nicole à qui l’on jette des pierres par-dessus les murs.


– Prenez garde, monsieur Gilbert, dit Nicole d’un ton de menace, on a trouvé dans vos mains, sur la place Louis XV, un fragment de la robe de mademoiselle.


– Vous croyez?


– C’est M. Philippe qui l’a dit à son père. Il ne se doute de rien encore; mais, en l’aidant, peut-être finira-t-il par se douter.


– Et qui l’aidera?


– Moi, donc.


– Prenez garde, Nicole, on pourrait se douter aussi qu’en faisant semblant d’étendre les dentelles, vous ramassez les pierres qu’on vous jette par-dessus les murailles.


– Ce n’est pas vrai! s’écria Nicole.


Puis, revenant sur sa dénégation:


– D’ailleurs, continua-t-elle, ce n’est pas un crime de recevoir des billets, ce n’est pas un crime comme de s’introduire ici, tandis que mademoiselle se déshabille… Ah! que direz-vous à cela, monsieur Gilbert?


– Je dirai, mademoiselle Nicole, que c’est aussi un crime, pour une sage jeune fille comme vous êtes, de glisser des clefs sous les petites portes des jardins.


Nicole frissonna.


– Je dirai, continua Gilbert, que si j’ai commis, moi, connu de M. de Taverney, de M. Philippe, de mademoiselle Andrée, le crime de m’introduire chez elle, ne pouvant résister à l’inquiétude que m’inspirait la santé de mes anciens maîtres, et surtout celle de mademoiselle Andrée, que j’ai tenté de sauver là-bas, si bien tenté, qu’il m’est resté, comme vous l’avouez vous-même, un fragment de sa robe dans la main; je dirai que, si j’ai commis ce crime bien pardonnable de m’introduire ici, vous avez commis, vous, le crime impardonnable d’introduire un étranger dans la maison de vos maîtres, et d’aller retrouver cet étranger dans la serre, où vous avez passé une heure avec lui.


– Gilbert! Gilbert!


– Ah! voilà ce que c’est que la vertu – celle de mademoiselle Nicole, veux-je dire. – Ah! vous trouvez mauvais que je sois dans votre chambre, mademoiselle Nicole, tandis que…


– Monsieur Gilbert!


– Dites donc à mademoiselle que je suis amoureux d’elle, maintenant; moi, je dirai que j’étais amoureux de vous, et elle me croira, car vous avez eu la bêtise de le lui dire vous-même, là-bas, à Taverney.


– Gilbert, mon ami!


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