Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome IV полностью

«- Madame, on veut assassiner le roi comme on a assassiné Henri IV.


«Pour le coup, le roi pâlit, trembla, passa la main sur son front.


«Je me crus vaincue.


«- Sire, dis-je, il faut laisser monsieur continuer; car ses commis ont sans doute aussi lu dans tous ces chiffres que je conspirais contre vous.


«Et je sortis.


«Dame! c’était le lendemain du philtre, cher comte. Le roi préféra ma présence à celle de M. de Sartine, et courut après moi.


«- Ah! par grâce, comtesse, ne vous fâchez pas, dit-il.


«- Alors, chassez ce vilain homme, sire; il sent la prison.


«- Allons, Sartine, allez-vous-en, dit le roi en haussant les épaules.


«- Et je vous défends à l’avenir, non seulement de vous présenter chez moi, ajoutai-je, mais encore de me saluer.


«Pour le coup, notre magistrat perdit la tête; il vint à moi, et me baisa humblement la main.


«- Eh bien, soit, dit-il, n’en parlons plus, belle dame; mais vous perdez l’État. Votre protégé, puisque vous le voulez à toute force, sera respecté par mes agents.»


Balsamo parut plongé dans une rêverie profonde.


– Allons, dit la comtesse, voilà que vous ne me remerciez pas de vous avoir épargné la connaissance de la Bastille, ce qui eût été injuste peut-être, mais n’en eût pas été moins désagréable.


Balsamo ne répondit rien; seulement, il tira de sa poche un flacon renfermant une liqueur vermeille comme du sang.


– Tenez, madame, dit-il, pour cette liberté que vous me donnez, je vous donne, moi, vingt ans de jeunesse de plus.


La comtesse glissa le flacon dans son corset et partit joyeuse et triomphante.


Balsamo demeura rêveur.


– Ils étaient sauvés peut-être, se dit-il, sans la coquetterie d’une femme. Le petit pied de cette courtisane les précipite au plus profond de l’abîme. Décidément, Dieu est avec nous!

Chapitre CXXXI Le sang

Madame du Barry n’avait pas encore vu la porte de la maison se refermer derrière elle que Balsamo remontait l’escalier dérobé et rentrait dans la chambre aux fourrures.


La conversation avec la comtesse avait été longue, et son empressement tenait à deux causes.


La première, le désir de revoir Lorenza; la seconde, la crainte que la jeune femme ne fût fatiguée; car, dans la vie nouvelle qu’il venait de lui faire, il ne pouvait y avoir place pour l’ennui; fatiguée en ce qu’elle pouvait passer, comme cela lui arrivait quelquefois, du sommeil magnétique à l’extase.


Or, à l’extase succédaient presque toujours des crises nerveuses qui brisaient Lorenza, si l’intervention du fluide réparateur ne venait pas ramener un équilibre satisfaisant entre les diverses fonctions de l’organisme.


Balsamo, après avoir fermé la porte, jeta donc rapidement les yeux sur le canapé où il avait laissé Lorenza.


Elle n’y était plus.


Seulement, la fine mante de cachemire brodée de fleurs d’or, qui l’enveloppait comme une écharpe, était demeurée seule sur les coussins, comme un témoignage de son séjour dans l’appartement, de son repos sur ce meuble.


Balsamo demeura immobile, les yeux tendus vers le sofa vide. Peut-être Lorenza s’était-elle trouvée incommodée par une odeur étrange qui paraissait s’être répandue dans l’appartement depuis qu’elle en était sortie; peut-être, par un mouvement machinal, avait-elle usurpé sur les habitudes de la vie réelle, et instinctivement avait-elle changé de place.


La première idée de Balsamo fut que Lorenza était rentrée dans le laboratoire où, un instant auparavant, elle l’avait accompagné.


Il entra dans le laboratoire. Au premier aspect, il paraissait vide; mais, à l’ombre du fourneau gigantesque, derrière la tapisserie d’orient, une femme pouvait facilement se cacher.


Il souleva donc les tapisseries, il tourna donc autour du fourneau; nulle part il ne put retrouver même la trace du passage de Lorenza.


Restait la chambre de la jeune femme, où sans doute elle était rentrée.


Cette chambre n’était une prison pour elle que dans son état de veille.


Il courut à la chambre et trouva la plaque fermée.


Ce n’était point une preuve que Lorenza ne fût point rentrée chez elle. Rien ne s’opposait, en effet, à ce que Lorenza, dans son sommeil si lucide, se fût souvenue de ce mécanisme, et, s’en souvenant, eût obéi aux hallucinations d’un rêve mal effacé dans son esprit.


Balsamo poussa le ressort.


La chambre était vide comme le laboratoire: Lorenza ne paraissait pas même y être entrée.


Alors une pensée douloureuse, une pensée qui, on s’en souvient, l’avait déjà mordu au cœur, vint chasser toutes les suppositions, toutes les espérances de l’amant heureux.


Lorenza aurait joué un rôle; elle aurait feint de dormir, elle aurait ainsi dissipé toute défiance, toute inquiétude, toute vigilance dans l’esprit de son époux et, à la première occasion de liberté, elle se serait enfuie de nouveau, plus sûre de ce qu’elle avait à faire, instruite qu’elle était par une première, ou plutôt par une seconde expérience.


Balsamo bondit à cette idée et sonna Fritz.


Puis, comme, au gré de son impatience, Fritz tardait, il s’élança au-devant de lui et le trouva dans l’escalier dérobé.


– La signora? dit-il.


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