Читаем L'Empire des anges полностью

J'ai reçu les débris du pare-brise en pleine figure. Je suis née belle et je meurs défigurée. J'ai souhaité un jour qu'une rivale connaisse pareil sort. Ça m'est arrivé à mon tour. Quelle ironie! Peut-être que tout le mal que nous souhaitons aux autres est comptabilisé quelque part et nous revient plus tard en boomerang.

Étrange qu'à l'heure de mon dernier souffle je songe au mal que j'ai souhaité à Cynthia Cornwell, la rivale que j'avais oubliée.

C'est la fin. Je m'étais imaginé qu'on pouvait vivre à l'abri des dangers, mais on n'est à l'abri nulle part. Même en conduisant prudemment, dans une voiture sûre, dans un pays démocratique, avec une ceinture de sécurité, avec un mari protecteur, avec tous les progrès de la médecine, de la technologie, de l'humanité, on n'est nulle part en sécurité totale.

Aurait-il fallu qu'avec Raymond nous ne partions jamais en vacances? Aurions-nous dû demeurer paisiblement enfermés chez nous?

Raymond.

J'ai réussi au moins ça: mon couple. Je sais que je vais mourir. En cet ultime instant, je sens la foi m'envahir. Faut-il être proche de la mort pour croire en Dieu? Il me semble que oui. Je croyais aux anges quand je n'avais que de petits tracas, je crois en Dieu quand surviennent les gros ennuis.

198. JACQUES. 88 ANS

J'ai quatre-vingt-huit ans et je sais que je vais mourir. Pourquoi ai-je duré si longtemps? Parce que j'en avais besoin pour mener à bien ma «mission».

Trente-sept livres. Je voulais en publier un par an, j'y suis presque arrivé.

Je rédige mon dernier, celui qui explique et relie tous les autres. Mes lecteurs comprendront pourquoi il y avait toujours dans mes livres des personnages portant les mêmes noms de famille. En fait, tous mes livres étaient une prolongation les uns des autres et, de ce fait, il n'y a jamais eu rupture. J'explique enfin le lien qui unit mes livres sur les rats à mes livres sur le Paradis, à celui sur le cerveau et à tous les autres encore.

Sur l'ordinateur portable que j'ai demandé à l'hôpital qui m'accueille, j'ai inscrit la chute définitive: «Fin.»

L'idéal aurait été que j'expire en frappant ce mot, tel Molière mourant sur scène. Moi j'attends. La mort diffère. Pour patienter, je me livre à un énième bilan. Je suis toujours un anxieux mais, avec Nathalie, j'ai évolué. Je suis parvenu à sortir de la solitude car, avec elle, les bons ingrédients étaient réunis pour réaliser la formule magique: 1 + 1 = 3.

Tous deux, nous sommes autonomes. Tous deux nous sommes complémentaires. Tous deux nous avons renoncé à changer l'autre et accepté nos défauts respectifs.

Elle m'a appris à améliorer encore mon lâcher-prise. Je parviens maintenant à tenir plus de vingt secondes en ne pensant à rien et c'est très reposant. Avec Nathalie, j'ai su ce qu'est un couple authentique. Il se résume à un mot: «Complicité.» «Amour» est trop galvaudé pour conserver encore un sens.

Complicité. Connivence. Confiance.

Nathalie a toujours été ma première lectrice et ma meilleure critique. Elle, qui se passionne pour l'hypnose, pratique des régressions et affirme que nous nous étions déjà connus dans des vies antérieures, en tant qu'animaux et en tant qu'humains. Voire même en tant que végétaux. J'étais pollen, elle était pistil. Elle dit que nous nous sommes aimés en Russie et aussi dans l'Egypte antique. Je n'en sais rien, mais il me plaît d'y réfléchir.

En dehors de ses «tours», Nathalie ne m'agace que sur un point. Elle a toujours raison, et quoi de plus crispant que ça!

Ensemble, nous avons eu trois enfants, deux filles et un garçon. Je leur ai laissé faire ce qu'ils voulaient. Par ailleurs, je n'ai jamais renoncé à ma démarche de guetteur du futur. Au départ, je me suis servi de la science comme outil. J'estime à présent que les scientifiques ne sauveront pas le monde. Ils ne trouveront pas les bonnes solutions, ils ne feront qu'indiquer les dégâts provoqués par les mauvaises solutions.

Il est trop tard pour jouer les révolutionnaires. J'aurais dû apprendre à m'énerver et à tonner quand j'étais jeune. La colère est un don de naissance. Je laisse à d'autres, à ma fille aînée particulièrement vindicative et révoltée par exemple, le soin de poursuivre cette quête.

Professionnellement, je crois que j'ai eu tout ce que je voulais. J'ai été ce rat autonome que je rêvais de devenir. Pour ne pas avoir de subalternes ni de chefs, j'ai payé. Mais ça me semble normal. À mes enfants, j'ai dit: «Le plus beau cadeau que je puisse vous offrir, c'est de vous donner l'exemple d'un père heureux.»

Je suis heureux parce que j’ai rencontré Nathalie.

Je suis heureux parce que ma vie a été sans cesse renouvelée, pleine de surprises et pleine de remises en question qui m'ont contraint à évoluer.

Dans cet hôpital, je me délabre. Je sais que grâce aux nouvelles conquêtes de la médecine je pourrais vivre plus longtemps, mais je n'ai plus envie de me battre, même contre des microbes. Ils ont fini par gagner la guerre contre mes lymphocytes. Ils ne se prélasseront pas dans mon intestin.

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