«L’effet du réel» est crée non seulement par le jeu des topos et des stéréotypes, mais aussi par le jeu des figures rhétoriques. Pour traduire l'alterité, les chroniqueurs disposent des figures de la rhétorique. C’est d’abord la figure de l’inversion où l'alterité est transcrit en anti-même. Les usages, les traditions et les institutions autres sont renversés, on leur donne le sens négatif: le sanctuaire des musulmans — ce qui est «fanum» chez eux s’avère à être «profanum», la religion vraie (fides) des chrétiens est opposée à l’idolâtrie, la religion fausse des musulmans, le culte religieux (religio) chez les chrétiens est opposé à la superstition païenne (superstitio) chez les musulmans. C’est le même principe de l’inversion qui est à la base de la description de la vie de Mahomet — le vrai prophète des chrétiens — le Jésus Christ — est opposé au faux prophète Mahomet. C’est de même manière que les chroniqueurs racontent des qualités morales des musulmans: «humilitas» (humilité) des chrétiens est opposée à la «superbia» (l’orgueil) des musulmans, «virtus» (la vertu) des croisés est opposée au «vitium» (vice) des non-chrétiens. Le même sens est donné à la description de la tactique guerrière des musulmans, perfide du point de vue des chrétiens et opposée aux règles du combat chevaleresque chez les chrétiens. L’autre est transcrit selon le principe de l’inversion en anti-même: il est demonisé, le musulman c’est l’incarnation du Diable, des forces du Mal. Cettte dichotomie se reflète dans la langue — les «fideles» (chrétiens) sont opposés aux «païens» (gentiles, pagani). En somme, la figure de l’inversion rend compte de l’alterité, elle donne sens aux traditions de l’Autre. Pour traduire l’alterité, les chroniqueurs utilisent aussi les figures de la comparaison et de l’analogie. Cette figure établit la différence entre le monde chrétien et le monde musulman. C’est une autre façon de saisir l’alterité des musulmans. Les comparaisons entre les institutions politiques chrétiennes et musulmanes marquent des ressemblances. Mais le procédé le plus fréquent est le parallèle qui repose sur le jeu de quatre termes associés deux à deux, selon la formule a est à b ce que c’est с à d. Ainsi pour les chroniqueurs le calife de Bagdad dont la résidence est a Bagdad est la même chose que le pape catholique dont la résidence est à Rome. Le parallèle, on le sait, peut indiquer une certaine tolérance envers les autres quand il s’agit des traditions et des usages religieux — ce qui est le cas de Guilalume de Tyr. Par exemple, on compare la Mecque qui est le lieu de pèlerinage chez les musulmans et Jérusalem qui est le lieu du pèlerinage chez les chrétiens.
La rhétorique de l’alterité est dans son fonds l’opération de traduction et c’est l’une des procedures de dire l’autre. On a montré qu’il у a des non-coïncidences dans la culture et dans la langue: ou bien l'équivalent sémantique qui désigne un certain phénomène est absent ou bien le phénomène même est absent ainsi que son équivalent. Il у a des exemples du procédé de traduction dans les chroniques. Le principe de la métonimie opère le plus souvent dans ce cas — il s’agit des noms et des appelations. L’alterité du nom et la métonimie de l’alterité du phénomène. C’est ainsi que le titre du préfet (prefectus) sert à dé signer l’emir chez les musulmans. Pour traduire l’autre on invente un autre nom. Cette différence entre les chrétiens et les musulmans est, pour ainsi dire, nominale.
L’une des procéures de l’alterité est le récit des merveilles de l’Orient qui est le topos important du discours éthnographique.
Le discours narratif change dans la chronique de Guillaume de Tyr. Les chroniqueurs de la Première croisade s’appuient sur les chansons de geste. Le monde musulman est interprété dans l’esprit de la culture médiévale. On observe revolution du symbolisme vers réalisme dans la chronique de Guiilaume de Tyr. Il perçoit le monde musulman non seulement en s’appuyant sur la tradition précédente et la mémoire, mais aussi sur leur propre expérience. La manière de narration change — le portrait collectif est représenté dans les chroniques de la Première croisade, tandis que les portraits des musulmans chez Guillaume de Tyr sont beaucoup plus individualisés.
Борис Александрович Тураев , Борис Георгиевич Деревенский , Елена Качур , Мария Павловна Згурская , Энтони Холмс
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