Oui, les mères désirent toujours pour leurs enfants toutes les gloires de ce monde et de l'autre. Pour elles, il n'y a jamais d'hommes pervers. Mais, en ce qui nous concerne, il convient de rappeler les traditions évangéliques. Hier encore, je me rappelais la généreuse-inquiétude de la femme de Zébédée, soucieuse de la glorification de ses petits enfants !... Jésus a reçu ses désirs maternels, mais il n'a pas omis de lui demander si les candidats au Royaume étaient dûment préparés pour boire son calice... Et maintenant, nous voyons que le calice réservé à Jacques contenait du vinaigre aussi amer que la croix du Messie !...
Tous se turent, mais Saûl a continué sur un ton Jovial cherchant à modifier l'impression générale :
Ceci ne veut pas dire que l'on doit se décourager face aux difficultés pour atteindre les gloires légitimes du Royaume de Jésus. Les obstacles renouvellent les forces. La finalité divine doit être notre objectif suprême. Si c'est ce que tu penses Jean, alors je ne doute pas de tes futurs triomphes.
La mère et son fils ont souri tranquillement.
Au même instant, ils ont organisé le départ du jeune garçon en compagnie de Barnabe. L'oncle a encore parlé des disciplines indispensables, de l'esprit de sacrifice que la noble mission réclamait. Naturellement, si Antioche représentait un environnement de profonde paix, c'était aussi un noyau de travail actif et constant. Jean devrait oublier toute expression d'abattement pour se livrer corps et âme au service du Maître, avec l'absolue compréhension des devoirs les plus justes.
Le jeune n'a pas hésité face à ces engagements, sous le regard aimant de sa mère qui cherchait à soutenir ses décisions avec le courage sincère d'un cœur dévoué à Jésus.
Quelques jours plus tard, tous trois se dirigeaient vers la belle ville de l'Oronte.
Tandis que Jean-Marc s'extasiait à la contemplation des paysages, Saûl et Barnabe entretenaient de longues conversations concernant les intérêts généraux de l'Évangile. L'ex- rabbin revenait très impressionné par la situation de l'église de Jérusalem. Il aurait sincèrement désiré aller jusqu'à Joppé pour s'entretenir avec Simon Pierre. Néanmoins, les frères l'en ont dissuadé. Les autorités restaient vigilantes. La mort de l'apôtre avait même été réclamée par plusieurs membres du Sanhédrin et du Temple. Toute agitation plus importante sur la route de Joppé serait une occasion parfaite pour que les préposés d'Hérode exercent leur tyrannie.
Franchement - dit Saûl à Barnabe, se montrant inquiet -, je retourne l'esprit presque abattu à nos services d'Antioche. Jérusalem donne l'impression d'un profond démantèlement et d'une grande indifférence pour les leçons du Christ. Les hautes qualités de Simon Pierre, en tant que chef du mouvement ne me laissent aucun doute, mais nous devons serrer les rangs autour de lui. Plus que jamais, je suis convaincu de la sublime réalité que Jésus est venu à point nommé, mais n'a pas été compris.
Oui - acquiesça l'ex-lévite de Chypre, désireux de dissiper les appréhensions de son compagnon -, je confie, avant tout, en le Christ ; ensuite, j'espère beaucoup de Pierre...
Néanmoins - insinua l'autre sans hésiter -, nous devons considérer qu'en tout il doit exister une forme d'équilibre parfait. Nous ne pourrons rien faire sans le Maître, mais il n'est pas licite d'oublier que Jésus a institué au monde une oeuvre éternelle et, pour l'initier, il a choisi douze compagnons. Il est vrai que ceux-ci n'ont pas toujours correspondu à l'attente du Seigneur ; néanmoins, ils n'ont pas cessé d'être les élus. Ainsi, nous devons aussi examiner la situation de Pierre. Il est, sans aucun doute, le chef légitime du collège apostolique par son esprit supérieur aiguisé à la pensée du Christ en toutes circonstances ; mais pourrait-il opérer seul. Comme nous le savons, des douze amis de Jésus, quatre sont restés à Jérusalem avec une résidence fixe. Jean a été obligé de s'en aller ; Philippe a dû abandonner la ville avec sa famille ; Jacques retourne peu à peu aux communautés pharisiennes. Qu'en sera-t-il de Pierre s'il manque de soutien ?
Barnabe semblait méditer sérieusement.
J'ai une idée qui semble me venir du ciel - a dit l'ex-docteur de la Loi sincèrement
ému.
Et il a continué :
Supposons que le christianisme n'atteigne pas ses fins parce que nous n'attendons que l'acceptation des Israélites ankylosés par l'orgueil de la Loi. Jésus a affirmé que ses disciples viendraient de l'Orient et de l'Occident. Nous, qui pressentons la tempête, et moi principalement qui en connais ses paroxysmes pour avoir joué le rôle de bourreau, devons attirer ces disciples. Je veux dire, Barnabe, que nous avons besoin d'aller chercher les gentils où qu'ils se trouvent. Il n'y a que comme cela que le mouvement intégrera une fonction d'universalité.
Le disciple de Simon Pierre eut un geste d'étonnement.
L'ex-rabbin perçut son étrangeté et réfléchit de manière concise :