Depuis longtemps, Saûl, j'ai envie de retourner à ma terre natale, afin de résoudre certains problèmes de famille. Qui sait nous pourrions initier le service apostolique à travers les villages et les villes de Chypre ? En fonction du résultat, nous continuerions vers d'autres zones. Je sais que la région entre Antioche et Plsidie est habitée par des gens simples et généreux. Je suppose d'ailleurs que nous aurions de bons résultats.
Tu pourras compter sur moi - a répondu Saûl de Tarse, résolu. - La situation exige le concours de frères courageux et l'église du Christ n'a rien à gagner à s'accommoder de la situation. Je compare l'Évangile à un champ infini que le Seigneur nous a donné à cultiver.
Certains travailleurs doivent rester au pied des sources veillant à leur pureté, d'autres creusent la terre dans des zones déterminées ; mais la coopération de ceux qui doivent empoigner de rudes outils pour défricher l'épaisse broussaille, couper les épines pour Illuminer les chemins, ne peut être dispensée.
Barnabe reconnut l'excellence du projet, mais il lui dit :
Néanmoins, nous devons encore examiner la question d'argent. J'ai quelques moyens, mais Ils sont insuffisants pour répondre à toutes les dépenses. De plus, il ne sera pas possible de surcharger les églises...
Absolument ! - a avancé l'ex-rabbin - là où nous nous arrêterons, je pourrai exercer mon métier. Pourquoi pas, après tout ? Tout village très pauvre a toujours des métiers à tisser à louer. Je monterai donc une tente mobile !
Barnabe a trouvé cette idée originale et lui fit :
Tes sacrifices ne seront pas minces. Tu ne crains pas des difficultés imprévisibles ?
Pourquoi ? - a interrogé Saûl avec assurance. - A mon avis, si Dieu ne m'a pas permis d'avoir une vie de famille ce fut pour que je me consacre exclusivement à son service. Par où nous passerons, nous monterons notre modeste tente, et là où il n'y aura pas de tapis à réparer ou à tisser, il y aura des sandales.
Le disciple de Simon Pierre était enthousiaste. Le reste du voyage fut consacré aux projets de la future excursion. Il avait, néanmoins, une chose à considérer. Outre la nécessité de soumettre le plan à l'approbation de l'église d'Antioche, il devait penser au jeune Jean- Marc. Barnabe avait cherché à attirer l'attention de son neveu sur leurs conversations. Rapidement, le jeune fut convaincu qu'il devrait incorporer la mission au cas où l'assemblée antiochienne ne la désapprouve pas. Il s'est intéressé à tous les détails du programme tracé. Il suivrait l'oeuvre de Jésus où que ce soit.
Et s'il y a beaucoup d'obstacles ? - a demandé Saûl prévenant.
Je saurai les vaincre - a répondu Jean convaincu.
Mais il est possible que nous passions par de très grandes difficultés - continua l'ex- rabbin le préparant à cet état d'esprit - le Christ, qui était sans péché, a trouvé une croix entre les sarcasmes et les épreuves alors qu'il enseignait les vérités de Dieu ; à quoi ne devons-nous pas nous attendre dans notre condition d'âmes fragiles et indigentes ?
Je trouverai les forces nécessaires.
Saûl l'a dévisagé, il admirait la ferme résolution que ses paroles laissaient transparaître, et lui fit remarquer :
Si tu donnes un témoignage aussi grand que le courage que tu révèles, je n'ai pas de doutes de la grandeur de ta mission.
Entre de réconfortants espoirs, le projet finit par prendre de belles perspectives de travail pour tous trois.
A la première réunion, après avoir rapporté ses commentaires personnels concernant l'église de Jérusalem, Barnabe a exposé le projet à l'assemblée qui l'a écouté attentivement. Quelques anciens ont parlé du vide qui se ferait dans l'église et ont exposé leur désir de ne pas casser son ensemble harmonieux et fraternel. Néanmoins, l'orateur insista sur les nouveaux besoins de l'Évangile. Avec la plus grande fidélité, il a dépeint les tableaux perçus à Jérusalem, il a fait la synthèse de ses conversations avec Saûl de Tarse tout en soulignant l'utilité d'appeler de nouveaux travailleurs au service du Maître.
Quand il eut traité le problème avec toute la gravité qui lui était due, les chefs de la communauté ont changé d'attitude. Il y eut un accord général. En fait, la situation expliquée par Barnabe était très sérieuse. Son avis véhément était plus que juste. Si le marasme persévérait dans les églises, le christianisme était destiné à disparaître. A ce moment même, le disciple de Simon reçut l'approbation sans restriction et, à l'heure des prières, la voix du Saint- Esprit s'est fait entendre dans l'ambiance revêtue d'une pure simplicité, déclarant que Barnabe et Saûl seraient détachés à l'évangélisation des gentils.