L'ex-rabbin cherchait à se justifier alors que le disciple de Pierre alléguait l'engagement assumé et réfutait, avec telle ou telle marque d'amertume, l'attitude de son compagnon. Mais l'ex-docteur ne s'est pas laissé convaincre. La réadmission de Jean-Marc, disait-il, n'était pas juste. Il pourrait leur faire encore défaut, fuir les engagements supposés, mépriser l'occasion du sacrifice. Il rappelait les persécutions d'Antioche de Pisidie, les maladies Inévitables, les douleurs morales éprouvées à Icône, la lapidation cruelle sur la place de Lystre. Le jeune serait-il préparé en si peu de temps pour comprendre la portée de tous ces événements où l'âme était obligée de se réjouir du témoignage ?
Les yeux larmoyants, Barnabe était meurtri.
Après tout, a-t-il dit sur un ton émouvant, aucun de ces arguments ne me convainc et éclaire ma conscience. D'abord, je ne vois pas pourquoi détruire nos liens affectifs...
L'ex-rabbin ne l'a pas laissé finir et a conclu :
Cela jamais. Notre amitié est bien au-dessus de ces considérations. Nos liens sont
sacrés.
Et bien alors - lui fît remarquer Barnabe -, comment interpréter ton refus ? Pourquoi nier au jeune garçon une nouvelle expérience de travail régénérateur ? Ne serait-ce pas un manque de charité que de mépriser une occasion peut-être providentielle ?
Paul a longuement fixé son ami et a ajouté :
Mon intuition, en ce sens, est différente de la tienne. Presque toujours, Barnabe, l'amitié en Dieu est incompatible avec l'amitié au monde. lui nous levant pour l'exécution fidèle du devoir, les notions du monde se lèvent contre nous. Nous semblons mauvais et ingrats. Mais écoute-moi : personne ne trouvera les portes de l'opportunité fermées, parce que c'est le Tout-Puissant qui nous les ouvre. L'occasion est la même pour tous, niais les chemins doivent être différents. Dans le cadre du travail proprement humain, les expériences peuvent être renouvelées tous les jours. Cela est juste. Mais je considère qu'au service du Père, si nous interrompons la tâche commencée, c'est le signe que nous n'avons pas encore toutes les expériences indispensables à l'homme complet. Si la créature n'a pas encore connaissance de toutes les notions les plus nobles, relatives à sa vie et aux devoirs terrestres, comment peut-elle se consacrer avec succès au service1
divin ? Naturellement que nous ne pouvons pas juger si celui-ci ou celui-là a déjà fini le cours de ses démonstrations humaines et qu'à partir d'aujourd'hui, il est apte au service de l'Évangile, parce que dans ce cas chacun se révèle de lui-même. Je crois vraiment que ton neveu atteindra cette position avec quelques luttes de plus. Nous, néanmoins, nous sommes forcés de considérer que nous n'allons pas tenter une expérience, mais un témoignage. Tu comprends la différence ?Barnabe a compris l'immense portée de ces raisons concises, irréfutables, et s'est tu pour dire quelques minutes plus tard :
Tu as raison. Cette fois, je ne pourrai donc aller avec toi.
Paul a senti toute la tristesse qui débordait de ces mots et après avoir réfléchi pendant un long moment, il a ajouté :
Ne soyons pas tristes. Je réfléchis à la possibilité de ton départ avec Jean-Marc pour Chypre. Il trouvera là-bas un terrain approprié aux travaux qui lui sont nécessaires et, en même temps, il s'occupera de l'organisation que nous avons fondée sur l'île. Dans un tel contexte, nous continuerons en parfaite coopération, même en ce qui concerne la collecte pour l'église de Jérusalem. Il est inutile de parler de l'utilité de ta présence à Neapaphos et à
Salamine. Quant à moi, je prendrai Silas et je m'enfoncerai dans le Taurus, et l'église d'Antioche restera avec la coopération de Barsabas et de Tite.
Barnabe fut très content. Le projet lui a semblé admirable. Paul restait, à ses yeux, le compagnon des solutions opportunes.
Et quelques jours plus tard, en route vers Chypre où il servirait Jésus jusqu'à ce qu'il quitte l'ile pour se rendre plus tard à Rome, Barnabe est parti avec son neveu pour la Séleucie, après s'être étreint, lui et Paul, comme deux frères très aimés que le Maître appelait à différentes destinations.
PÈLERINAGES ET SACRIFICES
En compagnie de Silas qui était en harmonie avec ses aspirations de travail, l'ex- rabbin a quitté Antioche et s'enfonça dans les montagnes pour finalement atteindre sa ville natale après d'énormes difficultés. Bientôt, le compagnon indiqué par Simon Pierre s'habituait à sa méthode de travail. Silas était d'un tempérament pacifique enrichi de remarquables qualités spirituelles vu son dévouement absolu au divin Maître. Paul, à son tour, était vraiment satisfait de sa collaboration. Parcourant de longs et impénétrables chemins, ils se nourrissaient frugalement, presque uniquement de fruits sauvages éventuellement trouvés. Le disciple de Jérusalem, néanmoins, révélait une joie égale en toutes circonstances.