À l'aube, une fois la tempête atténuée, le geôlier s'est levé, dérangé par un brouhaha singulier. Voyant les portes ouvertes et craignant pour sa responsabilité, instinctivement, il essaya de se tuer. Mais Paul s'est avancé et l'empêcha de commettre ce geste extrême, lui expliquant ce qui s'était passé. Tous les incarcérés sont retournés humblement à leur cellule. Lucain, le geôlier, se convertit à la nouvelle doctrine. Avant que la clarté diurne n'ait envahi le paysage, plus ému que jamais, il apporta aux apôtres les secours les plus urgents, pensant leurs blessures. Comme il habitait sur les lieux, il conduisit les disciples dans son intérieur domestique, ordonna qu'on leur serve des aliments et du vin réconfortant. Bientôt aux premières heures, les juges de Philippes furent informés des faits. Pleins de crainte, ils ordonnèrent de libérer les prédicateurs ; mais Paul, qui désirait offrir des garanties au service chrétien qui s'initiait dans l'église établie chez Lydie, allégua sa condition de citoyen romain, inspirant plus de respect aux préteurs de Philippes pour les idées du prophète nazaréen. Il refusa l'ordre d'acquittement pour exiger la présence des juges qui comparurent méfiants. L'apôtre leur annonça le Royaume de Dieu et, exhibant ses titres, il les obligea à écouter son discours relatif à Jésus. Ils prenaient ainsi connaissance des travaux évangéliques qui naissaient dans la ville grâce à la coopération de Lydie et il commenta le droit des chrétiens de part le monde. Les préteurs lui présentèrent des excuses, ils garantirent le respect de la paix pour l'église naissante, et, alléguant l'extension de leurs responsabilités devant le peuple, ils demandèrent à Paul et Silas de quitter la ville pour éviter de nouveaux troubles.
L'ex-rabbin était satisfait et une fois de retour à la résidence de la généreuse vendeuse de pourpre, en compagnie de Silas qui reconnaissait sa force sans dissimuler son grand étonnement, il s'est encore attardé quelques jours pour tracer le programme des travaux du nouvel ensemencement de Jésus. Ensuite, il s'est dirigé vers Thessalonique, escaladant tous les coins où il y avait des sites ou des villages dans l'attente de la nouvelle du Sauveur.
Dans ce nouveau centre de débats, ils ont retrouvé Luc et Timothée qui les attendaient inquiets. Les travaux se sont poursuivis très activement. De toute part, les mêmes heurts. Des juifs aux idées préconçues, des hommes de mauvaise foi, des ingrats et des indifférents s'unissaient contre l'ex-docteur de Jérusalem et ses dévoués compagnons.
Paul restait fort et supérieur dans ces moindres affrontements. Des déceptions survenaient, des angoisses sur la place publique, des accusations injustes, des calomnies cruelles, de puissantes menaces tombaient parfois, inopinément, sur le désintérêt divin de leurs oeuvres ; mais le valeureux disciple continuait toujours, serein et ferme à travers les tempêtes, vivant strictement de son travail et obligeant ses amis à en faire autant. Il était indispensable que Jésus triomphe dans les cœurs, là résidait l'essentiel de son programme. Il négligeait tout caprice, faisait passer cette réalité avant tout et la mission se poursuivait entre les douleurs et les terribles obstacles, plus forte et plus victorieuse dans sa divine finalité.
Après d'innombrables combats avec les juifs à Thessalonique, l'ex-rabbin décida de partir pour Bérée. De nouveaux travaux, de nouveaux dévouements et de nouveaux martyres. Les travaux missionnaires, toujours initiés dans la paix, continuaient au prix de luttes extrêmes.
Les juifs rigides de Thessalonique ne manquaient pas dans Bérée. La ville s'agita contre les disciples de l'Évangile, les esprits s'exaltèrent. Luc, Timothée et Silas furent obligés de s'éloigner, déambulant dans les villages avoisinants. Paul fut arrêté et battu. Au prix de grands sacrifices de la part des sympathisants de Jésus, ils lui rendirent sa liberté à condition qu'il se retire dans les plus brefs délais.
L'ex-rabbin a immédiatement accepté. Il savait que derrière lui et à travers ses efforts insensés, il resterait toujours une église domestique qui grandirait à l'infini, encouragée par la miséricorde du Maître afin de proclamer l'excellence de la Bonne Nouvelle.
Il faisait nuit quand ses frères d'idéal réussirent à le transférer de la prison à la voie publique. L'apôtre des gentils voulut savoir comment allaient ses compagnons et fut informé des vicissitudes qui les assaillaient. Il s'est souvenu que Silas et Luc étaient malades, que Timothée devait retrouver sa mère dans le port de Corinthe. Il valait mieux offrir à ses amis une trêve dans le tourbillon des activités rénovatrices. Il ne serait pas juste d'exiger leur coopération quand lui-même ressentait le besoin de se reposer.