Puis à bord d'un bateau très ordinaire, Paul et ses disciples continuèrent leur voyage vers Jérusalem, distribuant des consolations et apportant l'aide spirituelle aux communautés humbles et impénétrables.
Sur toutes les plages, il voyait des gestes émouvants, des adieux poignants. À Éphèse, la scène fut encore plus triste car l'apôtre avait sollicité la présence des anciens et celle de ses amis pour parler plus particulièrement à leur cœur. Il ne désirait pas débarquer pour prévenir de nouveaux conflits qui retarderaient sa marche, mais en témoignage de son amour et de sa reconnaissance, la communauté toute entière alla à sa rencontre, touchant profondément son âme affectueuse.
Marie elle-même, d'un âge avancé, a accouru de loin en compagnie de Jean et de bien d'autres disciples pour apporter une parole d'amour au paladin téméraire de l'Évangile de son Fils. Des anciens le reçurent avec d'ardentes démonstrations d'amitié, les enfants lui offraient des collations et des fleurs.
Extrêmement ému, Paul de Tarse leur fît ses adieux et quand il affirma avoir le pressentiment qu'il ne reviendrait pas là dans son corps mortel, il y eut de grandes explosions de tristesse parmi les Éphésiens.
Comme touchés par la grandeur spirituelle de ce moment, presque tous se sont agenouillés sur le tapis blanc de la plage et ont demandé à Dieu de protéger le dévoué combattant du Christ.
En recevant de si belles manifestations d'affection, l'ex-rabbin les a étreints, un à un, les yeux en larmes. La plupart se jetait en pleurs dans ses bras aimants, baisant ses mains calleuses et vieillies. Finalement étreignant la Très Sainte Mère, Paul a pris sa dextre pour y déposer un baiser d'une tendresse toute filiale.
Le voyage se poursuivit avec les mêmes caractéristiques. Rhodes, Patare, Tyr, Ptolémaïs et, finalement, Césarée. Dans cette ville, ils furent logés chez Philippe qui s'y était installé depuis longtemps. Le vieux compagnon de lutte informa Paul des moindres faits encourus à Jérusalem où tous attendaient beaucoup de son effort personnel pour la pérennité de l'église. Très vieux, le généreux Galiléen parla du paysage spirituel de la ville des rabbins sans cacher les craintes que la situation lui causait. Tout cela contraria beaucoup les missionnaires. Agabus, que Paul avait déjà rencontré à Antioche, était venu de Judée et, en transe médiumnique lors de la première réunion intime chez Philippe, il formula les plus sinistres prédictions. Les perspectives étalent si sombres que Luc lui-même en pleura. Les amis ont supplié Paul de Tarse de ne pas partir. Pour eux, la liberté et la vie au bénéfice de la cause était préférable.
Mais lui, toujours prêt et déterminé, fit allusion à l'Évangile et il commenta le passage où le Maître prédisait les martyres qui l'attendaient sur la croix et conclut à la hâte :
- Pourquoi pleurez-vous pour attendrir mon cœur ? Les partisans du Christ doivent être prêts à tout. Pour ma part, je suis disposé à donner mon témoignage, même si je dois mourir à Jérusalem au nom du Seigneur Jésus !...
L'impression laissée par les présages d'Agabus n'avait pas encore disparu que la maison de Philippe reçut une nouvelle surprise le lendemain. Les chrétiens de Césarée amenèrent à l'ex-rabbin un émissaire de Jacques, du nom de Mnason. L'apôtre galiléen avait appris l'arrivée du converti de Damas au port palestinien et s'empressait de le contacter en lui envoyant un porteur dévoué à la cause commune. Mnason expliqua à l'ex-rabbin la raison de sa présence et l'avertit des dangers qu'il aurait à affronter à Jérusalem où la haine sectaire était en effervescence et atteignait les plus atroces persécutions. Étant donné l'exaltation et la vigilance du judaïsme, Paul ne devait pas immédiatement se rendre à l'église, mais loger chez lui, le messager, où Jacques irait lui parler en privé et décider ainsi ce qui convenait le mieux aux intérêts sacrés du christianisme. Après cela, l'apôtre des gentils serait reçu dans l'institution de Jérusalem pour discuter avec les actuels directeurs du futur de la maison.
Paul trouva que les précautions et les suggestions de Jacques étaient très raisonnables mais préféra suivre les suggestions verbales du porteur.
Des ombres angoissantes planaient dans l'esprit des compagnons du grand apôtre quand la caravane, suivie de Mnason, quitta Césarée pour la capitale du judaïsme. Comme toujours, Paul de Tarse annonça la Bonne Nouvelle dans les bourgs les plus pauvres.
Après quelques jours d'une marche lente se consacrant pleinement aux travaux apostoliques, les disciples de l'Évangile franchirent les portes de la ville des rabbins, pris d'une grande inquiétude.
Vieilli et abattu, l'apôtre des gentils a contemplé les édifices de Jérusalem, attardant son regard sur le paysage aride et triste qui lui rappelait les années de sa jeunesse tumultueuse et morte pour toujours. Il a alors élevé sa pensée à Jésus et lui a demandé de l'inspirer dans l'accomplissement du ministère sacré.
LE MARTYRE A JERUSALEM