Paul exultait de satisfaction, d'ailleurs partagée par toute la confrérie. L'épître fut finie avec beaucoup d'enthousiasme et de joie. Dès que l'héroïque émissaire fut partie, l'ex-rabbin se réunit avec la petite communauté des chers disciples pour asseoir les bases définitives de la grande excursion. Il leur expliqua d'abord que l'hiver allait commencer, mais que dès que reviendrait le temps de la navigation, il embarquerait pour Rome. Après avoir justifié l'excellence du plan puisque l'Évangile était déjà implanté dans les régions les plus importantes de l'Orient, il demanda à ses fidèles amis de lui dire comment et jusqu'à quel point il leur serait possible de le seconder. Timothée allégua qu'actuellement Eunice ne pouvait offrir ses soins, vu le décès de la vénérable Loïde. Il exposa qu'il devait retourner à Thessalonique et Aristarque devait l'aider. Sopater parla de ses difficultés à Bérée. Quant à Gaïus, il prétendait partir pour Derbé le lendemain. Tychique et Trophime ont avancé le besoin urgent d'aller à Éphèse d'où ils prétendaient partir pour Antioche leur ville natale. Presque tous étaient dans l'impossibilité de participer à l'excursion. Seul Silas affirma pouvoir le faire, quoi qu'il en soit. Bientôt, arriva le tour de Luc qui était resté silencieux jusque là. Il les informa qu'il était prêt et décidé à partager les travaux et les joies de la mission de Rome. De toute l'assemblée, deux seulement pourraient l'accompagner. Très satisfait, Paul s'y est résigné. Silas et Luc lui suffiraient, ils étaient habitués à ses méthodes de propagande et étaient porteurs des plus beaux titres de travail et de dévouement à la cause de Jésus.
Tout allait à merveille, le plan élaboré augurait de grands espoirs quand, le lendemain matin, un pèlerin pauvre et triste est apparu dans Corinthe. Débarqué de l'un des derniers bateaux arrivés du Péloponnèse pour rester ancrés tout le long de l'hiver, il venait de Jérusalem. Il frappa à la porte de l'église et désira immédiatement voir Paul afin de lui remettre une lettre confidentielle. Devant
ce singulier messager, l'apôtre fut surpris. Il s'agissait du frère Abdias. Jacques l'avait chargé d'apporter ce message à l'ex-rabbin. Celui-ci le prit et le décacheta nerveusement.Au fur et à mesure qu'il lisait, il devenait do plus en plus pâle.
Il s'agissait d'un document particulier de la plus haute importance. Le fils d'Alphée confiait à l'ex-docteur de la Loi les pénibles événements qui se déroulaient à Jérusalem. Jacques l'informait que l'église souffrait de nouvelles et très violentes persécutions de la part du Sanhédrin. Les rabbins avaient décidé de remettre en pratique les tortures infligées aux chrétiens. Simon Pierre avait été banni de la ville ». Un grand nombre de confrères étalent l'objet de nouvelles persécutions et martyres. L'église avait été investie par des pharisiens sans scrupules et elle n'avait pas souffert de plus grandes déprédations en vertu du respect que le peuple lui consacrait. Grâce à ses attitudes conciliantes, il avait réussi à calmer les esprits les plus fanatiques, mais le Sanhédrin alléguait le besoin d'un accord avec Paul afin d'octroyer des trêves. L'action de l'apôtre des gentils, incessante et active, avait réussi à planter les graines de Jésus de toute part. De tous côtés, le Sanhédrin recevait des consultations, des réclamations, des nouvelles alarmantes. Les synagogues étaient désertées. Une telle situation exigeait des clarifications. Se basant sur de telles excuses, le plus grand tribunal des Israélites avait lancé de dures attaques contre l'organisation chrétienne à Jérusalem. Jacques contait ces événements avec une grande sérénité et suppliait Paul de Tarse de ne pas abandonner l'église en cette heure de luttes acerbes. Lui, Jacques, était vieux et fatigué. Sans la collaboration de Pierre, il craignait de succomber. Il demandait donc au converti de Damas de venir à Jérusalem affronter les persécutions par amour pour Jésus et clarifier la situation devant les docteurs du Sanhédrin et du Temple. Il pensait qu'il ne pourrait lui arriver aucun mal car l'ex- rabbin saurait mieux que quiconque s'adresser aux autorités religieuses pour que la cause trouve une juste issue. Son voyage à Jérusalem aurait un seul et unique objectif : informer le Sanhédrin comme de nécessaire. Jacques considérait son intervention de la plus haute importance pour sauver l'église de la capitale du judaïsme. Après coup, Paul retournerait tranquille et heureux où bon lui semblerait.
Le message était criblé d'exclamations amères et d'appels véhéments.