Les natifs de l'île, ainsi que les quelques Romains qui habitaient là au service de l'administration, accueillirent les naufragés avec sympathie, mais comme ils étaient nombreux, il n'y eut pas assez de place pour tous le monde. Un froid intense congelait les plus résistants. Paul, néanmoins, donnant la preuve de son courage et de son expérience à affronter les intempéries, donna l'exemple aux plus accablés et de grands feux furent rapidement allumés pour réchauffer les sans-abri. Mais alors que l'apôtre lançait un bout de branche sèche dans les flammes crépitantes, une vipère a planté ses dents pleines de venin dans sa main. L'ex-rabbin l'a tenue en l'air d'un geste calme jusqu'à ce qu'elle tombe dans les flammes, à la stupéfaction générale. Luc et Timothée se sont approchés angoissés. Le chef de cohorte et quelques amis étaient désolés Voyant ce qui s'était passé, les natifs de l'île donnèrent l'alarme assurant que le reptile était l'un des plus vénéneux de toute la région et que les victimes ne survivaient pas plus de quelques heures.
Les habitants impressionnés s'éloignèrent discrètement. D'autres effrayés affirmaient :
Cet homme doit être un grand criminel car bien qu'il ait été sauvé des vagues sauvages, il vient trouver ici la punition des dieux.
Ils n'étaient pas rares ceux qui attendaient la mort de l'apôtre à compter les minutes. Paul, quant à lui, se réchauffait comme il le pouvait, il observait l'expression physionomique de chacun et priait avec ferveur. Devant le pronostic des gens de l'île, Timothée s'est approché de Paul et lui fit part de ce qu'ils disaient à son sujet.
L'ex-rabbin a souri et a murmuré :
Ne sois pas impressionné. Les opinions du peuple sont très inconstantes, je le sais de ma propre expérience. Soyons attentifs à nos devoirs, car l'ignorance est toujours prête à transiter de la malédiction à l'éloge et vice versa. Il est bien possible que d'ici à quelques heures, us me considèrent comme un dieu.
Et effectivement, quand ils virent qu'il ne démontrait pas la moindre expression de douleur, les natifs se mirent à l'observer comme une entité surnaturelle. Puisqu'il était resté indemne au poison de la vipère, il ne pouvait pas être un homme ordinaire, mais plutôt quelque envoyé de l'Olympe à qui ils devaient tous obéir.
C'est alors que le plus haut fonctionnaire de Malte, Publius Appianus, est arrivé sur les lieux et fit prendre les premières mesures pour secourir les naufragés qui furent conduits dans de vastes hangars abandonnés près de sa résidence où ils reçurent un bouillon chaud, des remèdes et des vêtements. Le préposé impérial réserva les meilleures pièces de sa résidence au commandant du navire et au centurion Jules, attentif au prestige de leurs positions respectives, jusqu'à ce qu'ils trouvent où se loger sur l'île. Le chef de cohorte, néanmoins, se sentant maintenant extrêmement lié à l'apôtre des gentils demanda au généreux fonctionnaire romain d'accueillir l'ex-rabbin avec le respect qu'il méritait alors qu'il faisait l'éloge de ses vertus héroïques.
Informé de la condition spirituelle élevée du converti de Damas et à entendre les faits merveilleux qui lui étaient attribués concernant les guérisons, il dit avec émotion au centurion:
C'est parfait ! Quel précieux souvenir que le vôtre, j'ai justement ici mon vieux père malade et je désirerais mettre les vertus de ce saint homme du peuple d'Israël à l'épreuve !...
À la demande de Jules, courageusement Paul a acquiescé et a donc comparu chez Publius. Il fut amené auprès du vieux malade, sur lui il imposa ses mains calleuses et ridées tout en priant avec émotion et ardeur. Le vieillard qui était bouillant et se consumait dans une fièvre létale, ressentit immédiatement un grand soulagement et rendit grâce aux dieux de sa croyance. Très surpris, Publius Appianus le vit se lever et chercher la dextre de son bienfaiteur pour y poser un auguste baiser. L'ex-rabbin profita de la situation et sur le champ exalta le divin Maître prêchant les vérités éternelles, expliquant que tous les biens venaient de son cœur miséricordieux et juste, et non des pauvres créatures fragiles comme lui.
Le préposé de l'Empire voulut immédiatement connaître l'Évangile. Arrachant des plis de sa tunique en lambeaux les parchemins de la Bonne Nouvelle, seul patrimoine resté entre ses mains après la tempête, Paul de Tarse se mit à exhiber les pensées et les enseignements de Jésus, presque avec orgueil. Publius ordonna de copier le document et promit de s'intéresser à la situation de l'apôtre, usant de ses relations à Rome pour qu'il retrouve sa liberté.
La nouvelle s'est répandue en quelques heures. On ne parlait pas d'autre chose, sinon de l'homme providentiel que les dieux avaient envoyé sur l'île pour que les malades soient guéris et pour que le peuple reçoive les nouvelles révélations.