Читаем Piège pour Catherine полностью

— Nous sommes près, mais le temps se gâte, fit Gauthier. Voilà deux fois qu'au loin j'entends le tonnerre et il me semble bien voir, là-bas, un nuage fort sombre.

Toute la journée il avait fait une chaleur de four. Plusieurs fois, on s'était arrêté au bord des ruisseaux rencontrés pour se rafraîchir, du moins quand ils n'étaient pas à sec. L'air brûlant était chargé d'électricité. Catherine haussa les épaules :

— L'orage est inévitable, Gauthier, mais, pour ma part, je le souhaiterais. Il me semble qu'une bonne averse nous ferait le plus grand bien. Et puis... je veux arriver ce soir, même si cela vous demande un effort, à l'un et à l'autre.

— Moi, je ne demande pas mieux, fit Bérenger. Je serai heureux d'arriver et je suis d'accord pour l'averse.

— Va pour l'averse ! conclut Gauthier avec bonne humeur. Je me sens si sec que je pourrais prendre feu si l'on approchait une torche à un pied de moi.

C'est alors qu'ils avaient vu, dans l'eau limpide de la rivière, la sinistre traînée rouge et, mêlée aux longues feuilles pâles des roseaux, l'empennage d'une flèche qui dépassait, une flèche qui, pour se tenir aussi droite, devait être plantée dans de la chair humaine.

Peut-être, habitués qu'ils étaient à de tels spectacles, auraient-ils poursuivi leur chemin si, tout près d'eux, un gémissement ne s'était fait entendre et, à quelque distance, le vacarme de ce qui semblait être une bataille.

Vivement Gauthier retint son cheval, sauta à terre, descendit au bord de l'eau et se baissa parmi les roseaux.

— Viens m'aider ! jeta-t-il à Bérenger. Il y a là un homme et il n'est pas mort.

Tandis que Catherine, inquiète, rassemblait les brides des chevaux et faisait entrer les animaux sous le couvert de la forêt pour les attacher à un arbre, Bérenger courut rejoindre son ami.

A eux deux, ils parvinrent à tirer sur la berge un homme de grande taille, vêtu d'un sarrau et de braies de grosse toile, dont l'eau dégouttait comme d'une fontaine. La flèche était plantée dans sa poitrine et son visage, barbu et blême, était un masque de souffrance.

Une mousse rosâtre se gonflait à ses lèvres décolorées qui, maintenant, faisaient entendre un petit gémissement continu.

Catherine vint s'agenouiller auprès d'eux et, avec son mouchoir, essuya les lèvres du blessé.

— Va-t-il mourir ?

— Sûrement ! fit Gauthier qui examinait la blessure, la flèche est trop profondément enfoncée pour que je puisse l'arracher. S'il y avait une chance, je couperais l'empennage et je la pousserais à fond, pour la faire ressortir par le dos. Mais la mort fait déjà son œuvre...

Le visage de l'homme, en effet, se plombait. Vivement, Catherine fouilla dans l'aumônière pendue à sa ceinture, en sortit un petit flacon qu'elle approcha des lèvres du mourant. C'était un mélange de vin de Chypre où avaient macéré des aromates et d'une faible partie de la fameuse « eau ardente de maître Arnaud », un cordial quasi miraculeux dont Jacques Cœur l'avait munie parmi bien d'autres choses.

La liqueur chaleureuse s'insinua entre les lèvres du blessé. Un frisson le secoua et il ouvrit les yeux. Son regard brun semblait noyé de brume. Il tourna un instant, comme égaré, puis se posa sur le visage de la jeune femme et s'agrandit. Ses mains battirent l'air comme s'il cherchait quelque chose où s'accrocher, puis ses lèvres s'agitèrent, mais sans résultat.

— On dirait qu'il veut parler ! souffla Bérenger.

Catherine lui donna encore une goutte de cordial.

Alors le blessé balbutia :

— Fuyez... Le village... Ne pas.... y aller ! Les... les É... corcheurs

! — Encore, gronda Gauthier. Qui est-ce, cette fois ?

L'homme tourna vers lui son regard plein d'ombre.

— Je... ne sais pas ! Un... inconnu ! On l'appelle... capitaine... La Foudre... Un... lieutenant du... Damoiseau de Commercy... Allez...

vous-en ! Vite... Vite !

Il eut un hoquet, se renversa en arrière dans un dernier spasme, tandis qu'un flot de sang jaillissait de sa bouche, et il ne bougea plus.

— Il est mort, fit Bérenger d'une voix blanche en laissant reposer à terre la tête hirsute dont Catherine, pieusement, fermait les yeux.

Gauthier déjà s'était relevé et considérait le grand cadavre avec un mélange de colère et de pitié.

— La Foudre ! grogna-t-il. Le Damoiseau de Commercy ! Qui sont encore ces bandits ?

La Foudre, je ne sais pas, dit Catherine. Mais je peux vous dire qui est le Damoiseau. Il est beau comme une femme, noble comme un prince, vaillant comme César, jeune... comme vous Gauthier car il doit avoir votre âge, et cruel comme un bourreau mongol ! Il s'appelle Robert de Sarrebruck, comte de Commercy, un archange aux yeux de jouvencelle et à l'âme de démon. Par lui vous pouvez juger de son lieutenant ! D'ailleurs, regardez... écoutez...

Il faisait nuit, maintenant, sous les arbres et, dans les profondeurs de la forêt, des hurlements éclataient, tandis que les premières lueurs de l'incendie rougeoyaient au coude de la rivière.

Перейти на страницу:

Похожие книги