Читаем ПСС. Том 59. Письма, 1844-1855 гг. полностью

Je n’ai aucune raison valable, pour excuser mon silence; je commence donc par vous demander mon pardon. — Revenu de l’expédition1 j’ai passé avec Nicolas 2 mois à Старогладовская. — Nous y avons mené notre genre de vie habituel: chasse, lecture, conversations, échecs. J’ai fait pendant ce tems une course à la mer Caspienne très intéressante et agréable.2 — J’aurais été tout-à-fait content de ces deux mois, si je n’avais pas été malade pendant ce tems;

3 au reste нѣтъ худа безъ добра, ma maladie m’a fourni le prétexte d’aller passer l’été à Пятигорскъ, d’où je vous écris.4

Je suis ici depuis 2 semaines et je mène un genre de vie régulier et retiré; ce qui fait que je suis content de ma santé ainsi que de ma conduite. — Je me lève à 4 heures pour aller prendre les eaux, ce qui dure jusqu’à 6. A 6 je prends un bain et je reviens chez moi. — Je lis ou je cause en prenant le thé avec un de nos officiers qui loge à côté de moi et avec lequel nous faisons table commune;5

après quoi je me mets à écrire jusqu’à midi — heure à laquelle nous dinons. Ванюшка6 dont je suis parfaitement content nous fait la cuisine à très bon marché et assez mangeable. Je dors jusqu’à quatre, je joue aux echecs ou je lis, je vais de nouveau aux eaux et en revenant si le temps est beau je fais servir le thé au jardin et j’y passe quelquefois des heures entières à rever à Ясная, aux doux moments que j’y ai passé et surtout à une tante7 que j’aime plus de jour en jour. — Plus ces souvenirs s’éloignent, plus je les aime et je sais les apprécier. Quoiqu’il soit triste de penser au bonheur passé et surtout à celui qu’on a laissé passer sans avoir su en profiter, j’aime cette espèce de tristesse et j’y puise quelquefois des moments bien doux. —

Depuis mon voyage et séjour à Tiffliss mon genre de vie n’est pas changé: je tâche de faire le moins de connaissances possibles et de m’abstenir de l’intimité de celles que j’ai. — On est habitué à ma manière, on ne m’importune plus et je suis sûr qu’on dit que je suis un чудакъ et гордецъ. Ce n’est pas par fierté que je me conduis ainsi, mais cela s’est fait de soi même: il y a une trop grande différence dans l’éducation, les sentiments et la manière de voir de ceux que je rencontre ici, pour que jè trouve quelque plaisir avec eux. Il n’y a que Nicolas8

qui a le talent, malgré l’énorme différence qu’il y a entre lui et tous ces messieurs, à s’amuser avec eux et à être aimé de tous. Je lui envie ce talent, mais je sens que je ne puis en faire autant. — Il est vrai que ce genre de vie n’est pas fait pour s’amuser, aussi il y a bien longtems que je ne pense plus aux plaisirs, je pense à être tranquille et content. — Depuis quelque tems je commence à prendre gout pour les lectures historiques (c’était un point de dispute entre nous et sur lequel à présent je suis tout-à-fait de votre avis); mes occupations littéraires vont aussi leur petit train quoique je ne pense pas encore à rien imprimer. J’ai trois fois refait un ouvrage que j’ai commenceé il y a bien longtemps et je compte le refaire encore une fois, pour en être content. Peut être que ce sera comme le travail de Pénélope;9 mais cela ne me dégoute pas, je ne compose pas par ambition, mais par gout — je trouve mon plaisir et mon utilité à travailler et je travaille.10 Quoique je sois bien loin de m’amuser comme je vous l’ai dit, je suis aussi bien loin de m’ennuyer; parce que je suis occupé; mais excepté cela je goûte un plaisir plus doux et plus élevé que celui qu’aurait pu me donner la société — celui de sentir le repos de ma conscience, de se connaitre et de se savoir mieux apprécier que je ne l’avais fait, et de sentir remuer en moi des sentiments bons et généreux. — Il y a eu un tems où j’étais vain de mon esprit, de ma position dans le monde, de mon nom; mais à présent je sais et je sens que s’il y a en moi quelque chose de bon si j’ai à en rendre grace à la Providence c’est pour un coeur bon, sensible et capable d’amour, qu’il lui a plu de me donner et de me conserver. C’est à lui seul que je suis redevable des moments les plus doux que je passe et de ce que malgré l’absence des plaisirs et de société je suis non seulement content mais souvent heureux. — Il y aura bientôt 5 mois que je sers, donc dans un mois j’aurai du être avancé; mais je sais qu’il passera encore six mois et peut-être plus avant que je reçoive le rang. — Ceci, la main sur la conscience m’est parfaitement indifférent; la seule chose qui m’inquiète c’est le voyage à Pétersbourg qu’il me faudra faire et pour lequel je n’ai pas de moyens. —

Вспоминаю ваше правило, что не надо загадывать, какъ нибудь да сдѣлается. —

Adieu chère tante; je termine cette lettre puisqu’il est tard; mais comme la poste ne va que dans deux jours et qu’il ne se passe pas de jour que je ne pense à vous je la continuerai probablement. Donc à revoir. — Que fait tante Pauline?11 Se porte-telle bien? Est-elle toujours contente de son genre de vie? —

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