Читаем Сatherine et le temps d'aimer полностью

Mais Catherine n'était pas là pour rêver. Elle secoua l'enchantement, fit le tour des aériennes arcades, lentement, sans faire le moindre bruit. Il n'y avait âme qui vive dans la cour où les lions, campés sur leurs pattes raides, montaient leur garde silencieuse et jaillissante. La chambre où habitait Marie se situait de ce côté. Elle la trouva sans peine, mais se garda bien d'y entrer, puis, s'enfonçant dans l'ombre d'un couloir à peu près invisible pour qui en ignorait l'existence, elle trouva finalement la petite porte des jardins.

L'endroit était obscur. Une lampe à huile, pendue assez loin, n'envoyait qu'un reflet incertain et la jeune femme eut quelque peine à trouver la serrure. Elle tâtonna, s'énervant de ne pas réussir du premier coup. Comment donc parvenir à forcer cette porte en n'y voyant rien ?

Mais, peu à peu, ses yeux s'accoutumèrent à cette demi-obscurité. Elle distingua mieux les contours de la serrure, tira le loquet de fer ouvragé, puis, engageant dans la serrure, à vrai dire très rudimentaire, la pointe de la dague, qu'elle avait cachée dans sa large ceinture d'orfèvrerie, elle eut enfin la joie de la sentir céder. Le battant de cèdre s'ouvrit sans un bruit, découvrant les immenses jardins envahis par la nuit.

Prestement, Catherine se glissa au-dehors. Les alentours étaient déserts et elle prit plaisir à fouler le sable doux des allées. Bientôt apparurent le rideau de cyprès et le mur bas qui fermait le domaine privé de Zobeïda et dont la construction, très récente, était due sans doute à la présence du chevalier franc. L'escalader fut un jeu pour la jeune femme. Elle était demeurée aussi souple, aussi agile qu'au temps où, adolescente, elle courait sur les grèves de Paris avec son ami Landry Pigeasse et grimpait rejoindre les maçons sur les tours en construction des églises.

Parvenue au sommet du mur, Catherine tenta de s'orienter. Elle aperçut, au bout d'un miroir d'eau, un portique élégant flanqué d'une tour carrée que l'on appelait la tour des Dames et qui faisait partie des appartements privés de Zobeïda. Derrière apparaissaient, confuses dans la nuit, les collines de Grenade car cette tour était bâtie sur le rempart même. Des lumières brillaient sous le portique où flânaient des esclaves. Catherine s'en détourna et, assez loin, vers la droite, elle reconnut avec un battement de cœur, à la description faite par Marie, le pavillon que l'on appelait le palais du Prince. Encadré de cyprès et de citronniers, il mirait dans une calme pièce d'eau, à laquelle la lune arrachait des éclats, la forme élancée de ses colonnes et de son mirador élégant. Là aussi brillaient des lumières qui permirent à la jeune femme de distinguer les silhouettes menaçantes des eunuques et leurs cimeterres luisants. Ils allaient et venaient devant l'entrée de la demeure, d'un pas lent, mesuré, presque mécanique, reflétant dans le miroir liquide d'où jaillissaient les lis d'eau leurs turbans jaunes et les broderies de leurs amples vêtements.

Un moment, Catherine observa le pavillon, cherchant à apercevoir une silhouette familière. Comment savoir si Arnaud était vraiment là et s'il y était seul ? Comment pénétrer dans le petit palais si son occupant, cette nuit, ne sortait pas ? Autant de questions aux réponses difficiles...

Mais, habituée depuis longtemps à laisser sans réponse les problèmes les plus épineux et à se lancer d'abord dans l'aventure en abandonnant au destin le soin de trancher, Catherine quitta sa crête de mur et se laissa glisser à terre sans faire le moindre bruit. Un instant, elle hésita sur le chemin à suivre. L'aspect menaçant des eunuques de garde au pavillon la retenait de s'approcher trop. D'autre part, elle pouvait entendre une douce musique venue de la tour des Dames alors que, dans le petit palais, c'était le silence. Comment savoir où était Arnaud ?

En arrivant à la lisière d'un rideau de cyprès qui s'avançait presque au bord du grand bassin précédant la tour, elle retint une exclamation de joie : le destin, une fois encore, avait répondu à son attente. Sous le portique de la tour, Arnaud venait d'apparaître, seul. Vêtu d'une ample gandoura blanche serrée à la taille par une ceinture d'or, il s'avança, d'un pas lent, jusqu'au bord de l'eau, s'assit sur la margelle de marbre.

Cette fois, il n'était pas ivre, mais le cœur de Catherine se serra en constatant qu'il offrait une parfaite image de la solitude et de l'ennui.

Elle ne lui avait jamais vu visage si sombre et la lumière d'une lampe à huile pendue tout auprès n'en laissait aucun trait dans l'ombre...

Mais il était seul, vraiment seul ! Quelle plus belle occasion pouvait-elle désirer ? Laissant là les babouches auxquelles elle n'était pas encore parvenue à bien s'habituer, et qui la gênaient pour courir, elle s'élança...

Des mains brutales s'abattirent sur elle au moment précis où elle jaillissait près du bassin dans la zone éclairée par les lampes. Le saisissement et la peur lui arrachèrent un cri qui fit retourner Arnaud.

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