Читаем Сatherine et le temps d'aimer полностью

L'hésitation avait été imperceptible, toute légère : le temps d'un battement de cœur, mais qui avait suffi à rendre au chevalier la notion du danger. Avouer Catherine pour sa femme, c'était la condamner sur-le-champ et sans rémission à la pire des morts. Il connaissait trop la furieuse jalousie de Zobeïda ! En même temps, son regard reprenait possession de celui de Catherine, à la fois impérieux et suppliant de ne pas le démentir. Mais Arnaud n'avait rien à redouter. Encore que Catherine eût éprouvé une joie sauvage à revendiquer son titre d'épouse, à le jeter comme une pierre à la face de sa rivale, elle n'avait aucune envie de perdre stupidement la vie pour un mot. D'ailleurs, Zobeïda avait-elle cru le pieux mensonge ? Ses prunelles rétrécies allaient de l'un à l'autre des deux époux sans même songer à dissimuler leur étonnement et leur méfiance.

— Ta sœur ! Elle ne te ressemble guère !...

Arnaud haussa les épaules.

— Le Calife Muhammad a les cheveux blonds, les yeux clairs !

En est-il moins ton frère ?

— Nous n'avons pas eu la même mère...

— Nous non plus ! "Notre père s'est marié deux fois. Désires-tu savoir encore quelque chose ?

Le ton était hautain, cassant. Arnaud semblait décidé à retrouver l'avantage que lui donnait l'amour sensuel et presque servile de sa dangereuse maîtresse. Mais la présence de cette autre femme, haïe d'instinct, auprès de l'homme dont elle avait défendu la possession au prix de tant de sang, exaspérait Zobeïda. Froidement, elle répondit :

— En effet, je désire savoir encore certaines choses. Par exemple si les femmes de noble famille ont coutume, au pays des Francs, de courir les mers et de peupler les marchés d'esclaves ? D'où vient que ta sœur soit venue jusqu'ici ?

Ce fut Catherine, cette fois, qui se chargea de la réponse, espérant qu'Arnaud n'avait pas fait de confidences imprudentes.

— Mon... frère était parti, jadis, implorer la guérison du mal dont il souffrait au tombeau d'un grand saint, révéré depuis toujours. Mais peut-être ne sais-tu pas ce que c'est qu'un saint ?

— Surveille ta langue agile si tu veux que je t'écoute avec patience, riposta Zobeïda. Tous les Maures connaissent le Boanerges, le Fils du Tonnerre, dont la foudre, un instant, les a terrassés 1.

— Donc, poursuivit Catherine imperturbable, mon frère est parti et, durant de longs mois, nous sommes demeurés sans nouvelles, à Montsalvy. Nous espérions toujours le voir revenir, mais jamais il ne revenait. C'est alors que j'ai décidé d'aller, à mon tour, prier au tombeau de celui que tu appelles le Fils du Tonnerre. J'espérais trouver, chemin faisant, des nouvelles de mon frère. J'en ai trouvé, en effet : un serviteur, enfui au moment où tu capturais Arnaud, m'a appris son sort. Je suis venue jusqu'ici pour retrouver celui que nous pleurions déjà...

— Je croyais que tu avais été prise par les corsaires et vendue à Almeria ?

— J'ai été vendue, en effet, mentit Catherine avec aplomb parce qu'elle ne voulait pas être obligée de mettre Abou-al-Khayr en cause, mais je n'ai pas été prise

1 Saint Jacques a reçu ce surnom après la bataille de Clavijo où, selon la légende, il chassa les Sarrasins.

par les pirates, mais bien aux frontières de ce royaume. Je l'ai laissé croire pour ne pas être obligée de donner de trop longues explications à l'homme qui m'a achetée.

— Quelle touchante histoire ! remarqua Zobeïda sarcastique : une tendre sœur se lance sur les routes à la poursuite d'un frère bien-aimé.

Et, pour mieux l'atteindre, pousse le sacrifice jusqu'à entrer dans le lit du Calife de Grenade ! J'ajoute qu'elle y réussit au point de devenir la favorite en titre, la bien-aimée du maître, la précieuse perle du harem, la...

— Tais-toi ! coupa brutalement Arnaud qui avait blêmi à mesure que parlait Zobeïda.

Tout à l'heure, quand, pour la première fois, la Mauresque avait mentionné le choix du Calife, Arnaud, encore sous le coup de la surprise et de la joie, n'avait pas autrement prêté attention au sens des paroles prononcées. Mais, cette fois, il venait de réaliser pleinement ce qu'elles signifiaient et Catherine put voir, avec angoisse, la colère faire place à la joie sur le visage de son époux. Il se tournait maintenant vers elle.

— Est-ce vrai ? demanda-t-il avec tant de dureté que la jeune femme en frémit.

Elle connaissait trop la jalousie intransigeante d'Arnaud pour ne pas trembler en voyant se crisper ses mâchoires et flamber ses yeux sombres. Mais le demi- sourire narquois de Zobeïda lui rendit tout son aplomb. Qu'il osa interroger sur un ton de maître devant cette fille qui, depuis des mois, était sa maîtresse, c'était tout de même un peu fort !

Elle redressa la tête, leva bien haut son petit menton et, défiant son époux du regard :

— Très vrai ! fit-elle calmement. Il fallait que je parvienne jusqu'à toi. Tous les moyens sont bons, dans un cas semblable...

— Crois-tu ? Tu parais oublier...

— C'est toi qui oublies, il me semble ! Puis-je te demander ce que tu fais ici ?

Перейти на страницу:

Похожие книги