Mon ode a été envoyée à Moscou sans aucune explication. Mes amis n’en avaient aucune connaissance. Toute espèce d’allusion en est soigneusement éloignée. La partie satyrique porte sur la vile avidité d’un héritier, qui au moment de la maladie de son parent fait déjà mettre les scellés sur les effets qu’il convoite. J’avoue qu’une anecdote pareille avait été répandue et que j’ai recueilli une expression poétique échappée à ce sujet.
Il est impossible d’écrire une ode satyrique sans que la malignité n’y trouve tout de suite une allusion. Derjavine dans son «Вельможа» peignit un sybarite plongé dans la volupté sourd au cris du peuple, qui s’écrie
On applica ces vers à Potemkine et à d’autres — cependant toutes ces déclamations étaient des lieux communs — qui avaient été répété mille fois. C’est à dire dans la satyre des vices les plus bas et les plus communs peints…
Au fond c’étaient des vices de grand seigneur et je ne puis savoir jusqu’à quel point Derjavine était innocent de toute personnalité.
Le public dans le portrait d’un vil avare, d’un drôle qui vole le bois de la couronne, qui présente à sa femme des comptes infidèles, d’un plat-pied qui devient bonne d’enfants chez les grands seigneurs, etc. — a, dit-on, reconnu un grand seigneur, un homme riche, un homme honoré d’une charge importante. —
Tant pis pour le public — il me suffit à moi de n’avoir pas (non seulement nommé) ni même insinué à qui que ce soit que mon ode…
Je demande seulement qu’on me prouve que je l’ai nommé — quel est le trait de mon ode qui puisse lui être appliqué ou bien — que j’ai insinué.
Tout cela est bien vague; toutes ces accusations sont des lieux communs.
Il m’importe peu que le public ait tort ou raison. Ce qui m’importe beaucoup c’est de prouver que jamais on aucune manière je n’ai
681. С. С. ХЛЮСТИНУ
4 февраля 1836 г.
В Петербурге.
Monsieur,
Permettez-moi de redresser quelques points où vous me paraissez dans l’erreur. Je ne me souviens pas de vous avoir entendu citer quelque chose de l’article en question. Ce qui m’a porté à m’expliquer, peut-être, avec trop de chaleur, c’est la remarque que vous m’avez faite de ce que j’avais eu tort la veille de prendre au cœur les paroles de Senkovsky.
Je vous ai répondu: «Я не сержусь на Сенковского; но мне нельзя не досадовать, когда порядочные люди повторяют нелепости свиней и мерзавцев». Vous assimiler à des свиньи и мерзавцы est certes une absurdité, qui n’a pu ni m’entrer dans la tête, ni même m’échapper dans toute la pétulence d’une dispute.
A ma grande surprise, vous m’avez répliqué que vous preniez entièrement pour votre compte l’article injurieux de Senkovsky et notamment l’expression «обманывать публику».
J’étais d’autant moins préparé à une pareille assertation venant de votre part,
J’eus l’honneur alors de vous faire observer, que ce que vous veniez d’avancer devenait une toute autre question et je me tus. En vous quittant je vous dis que je ne pouvais laisser cela ainsi. Cela peut être regardé comme une provocation, mais non comme une menace. Car enfin, je suis obligé de le répéter: je puis ne pas donner suite à des paroles d’un Senkovsky, mais je ne puis les mépriser dès qu’un homme comme vous les prend sur soi. En conséquence je chargeais m-r Sobolévsky de vous prier de ma part de vouloir bien vous rétracter purement et simplement, ou bien de m’accorder la réparation d’usage. La preuve combien ce dernier parti me répugnait, c’est que j’ai dit nommément à Sobolévsky, que je n’exigeai pas d’excuse. Je suis fâché que m-r Sobolévsky a mis dans tout cela sa négligence ordinaire.
Quant à l’impolitesse que j’ai eue de ne pas vous saluer, lorsque vous m’avez quitté, je vous prie de croire que c’était une distraction tout-à-fait involontaire et dont je vous demande excuse de tout mon cœur.
J’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
A. Pouchkine.
4 février. {156}
682. Н. Г. РЕПНИНУ
5 февраля 1836 г.
В Петербурге.
Mon Prince,
C’est avec regret que je me vois contraint d’importuner Votre Excellence; mais gentilhomme et père de famille, je dois veiller à mon honneur et au nom que je dois laisser à mes enfants.
Je n’ai pas l’honneur d’être personnellement connu de Votre Excellence. Non seulement jamais je ne vous ai offensé, mais par des motifs à moi connus, je vous ai porté jusqu’à présent un sentiment vrai de respect et de reconnaissance.