Ma chatte ch'erie. Ce ne sont que quelques lignes que je t’'ecris pour te dire que dans quelques heures j’aurai quitt'e P'etersb. Je vais rejoindre les Kr"udener `a P'eterhoff
et de l`a le Comte Benkendorff emm`ene nous dans son ch^ateau de Fall, proche de R'eval. Il a mis une si obligeante insistance pour m’engager `a l’y accompagner qu’il me f^ut impossible de refuser, sans impolitesse, sa proposition. Cette excursion, d’ailleurs, ne me d'etourne pas beaucoup de ma direction, et il n’y aura de retard que les quelques jours que je passerai chez lui. Comme j’ajourne les d'etails, je te dirai en peu de mots que j’ai vu derni`erement dans sa d'elicieuse maison de campagne la pauvre Grande-Duchesse Marie, bien triste encore de la perte de son enfant, mais toujours parfaitement bonne et aimable pour moi. Puis j’ai vu — mais qui n’ai-je pas vu? Tout le monde de connaissances de diverses dates et de divers grades m’a fait fort bon accueil. Mais pour obtenir ici quelque chose de plus substantiel que de politesses il faudrait passer dans ce pays non pas trois semaines, mais un an et m^eme deux. Or, c’est l`a un sacrifice que je n’ai ni les moyens, ni la volont'e de m’imposer.J’oubliais, ma chatte, de te remercier de ta lettre du 16 du mois dernier. Maintenant tu vas m’'ecrire une `a Berlin que tu adresseras `a notre l'egation et par pr'esomption tu m’'ecriras aussi quelques lignes poste restante
`a L"ubeck. — Ce n’est pas que j’ai chang'e d’avis, quant `a la route que je vais prendre, mais comme `a la rigueur il serait possible que je fusse oblig'e de me rabattre sur L"ubeck, je veux, quelque parti que je prenne, avoir la chance de trouver `a mon arriv'ee en Allemagne quelques mots de toi. Que toi sois avertie! — Quelqu’un qui s’est mis particuli`erement en frais d’amabilit'e, c’est l’ami Gu'ed'eonoff que j’ai rencontr'e par hasard dans un caf'e. Je l’avais si compl`etement oblit'er'e que je me suis vu finalement oblig'e de recourir `a un tiers pour savoir qu’il 'etait. Quant `a lui, il est tout plein encore des souvenirs d’Ostende* et vous porte religieusement dans son coeur, ta belle-soeur et toi. Pour preuve il m’a charg'e de vous porter de sa part je ne sais quels objets en cuir de Russie. Avec cela il est bien s^ur de rester en bonne odeur aupr`es de vous.Adieu, ma chatte ch'erie. Puisse mon d'epart d’ici pour P'eterhoff ^etre un acheminement vers mon retour. Je compte toujours que je serai pr`es de toi dans les derniers jours de ce mois. Mais j’ai pei `a croire `a tant de bonheur. — Mes amiti'es `a t fr`ere et `a Casimire. J’embrasse les enfants.
C’est une triste date pour moi que la date d’aujourd’hui — 9 sept. Cela a 'et'e le plus affreux jour de ma vie, et sans toi
il en aurait probablement 'et'e le dernier*. Que Dieu te conserve.Перевод
С.-Петербург. 9 сентября 1843