Том 4. Письма 1820-1849

Me voilà donc enfin en possession, cher Monsieur Чадаев, du beau cadeau que votre amitié a bien voulu me faire. J’en ai été flatté et touché plus que je ne puis vous le dire. En effet, moi qui ne m’attendais qu’à une modeste lithographie, je vous laisse à penser avec quelle reconnaissante surprise j’ai reçu quelque chose d’aussi complètement satisfaisant et d’aussi obligeamment personnel que le beau portrait^* que vous m’avez envoyé… Je suis, pour parler la langue du pays, comme un homme qui ne s’attendait qu’à un simple Stanislas et qui se voit décoré d’une Ste-Anne au cou, en diamants… Encore une fois, agréez en mes plus sincères remerciements. Le portrait est très bien, très ressemblant et d’une ressemblance qui fait grand honneur à l’intelligence du peintre. Cette ressemblance est assez frappante pour m’avoir suggéré la réflexion qu’il y a certains types humains qui sont comme les médailles de l’humanité: tant ils paraissent avoir été frappés avec soin et intelligence par le Grand Artiste et tant ils se distinguent du type ordinaire de la monnaie courante.

Votre portrait, cher Monsieur et ami, ne m’aurait rien laissé à désirer, s’il avait pu me donner tous les renseignements que j’aimerais à avoir sur vous, sur l’état actuel de votre santé, en un mot, sur tout ce qui a rapport à votre personne physique et morale. Que serait-ce, si dans un de vos moments de loisir vous lui veniez en aide, et le mettiez à même de m’apprendre sur vous tout ce que me laisse ignorer son silence obligé… en dépit de sa ressemblance.

Les dernières nouvelles que nous avons eues de vous, nous ont été, si je ne me trompe, apportées par Popoff^*

à son retour de Moscou, et elles étaient loin d’être aussi satisfaisantes que je les eusse désirées… quant à ce qui concerne votre santé… Est-ce que vous ne vous décideriez donc pas d’entreprendre l’été prochain quelque chose de plus éfficace que tout ce que vous avez fait jusqu’à présent pour cet objet? Et pourquoi, par exemple, ne songeriez-vous pas sérieusement à essayer des eaux de l’Allemagne au retour de la belle saison, si tant est que la belle saison songe cette année à revenir parmi nous?.. Je suis convaincu que dans la disposition de santé où vous êtes, le voyage en lui-même, c’est-à-dire un déplacement physique et moral, serait déjà un bon commencement de cure, et ferait peut-être à lui seul tous les frais de la guérison… Pensez-y, cher Monsieur Чадаев, et faites un généreux effort dans l’intérêt de la plus belle des causes, qui est celle de la santé.

Maintenant, après vous avoir parlé de l’essentiel, j’aimerais bien vous parler à loisir de quelques-unes de nos préoccupations littéraires et autres de l’hiver dernier, telles que les lettres de Gogol^*, votre Сборник-monstre de Moscou^*

, etc.; mais, hélas, on cause mal à six cents verstes de distance, et quoiqu’on en dise la causerie épistolaire est une chose presque aussi fatigante qu’une partie d’échecs par lettres… J’ai, d’ailleurs, l’espoir, que d’une manière ou d’autre, nous nous verrons dans le courant de l’été prochain, et c’est pourquoi je vous prie de considérer cette lettre comme le reçu du beau cadeau que vous m’avez fait, bien plus que comme une expression tant soit peu complète de l’amitié et de l’affection de votre tout dévoué T. Tutchef.

Перевод

С.-Петербург. 13 апреля 1847

Наконец-то, любезный Чаадаев, в моих руках прекрасный подарок, вручаемый мне вашей дружбой. Я был польщен и тронут более, чем могу то выразить. В самом деле, я мог ждать только скромной литографии; судите же, с каким признательным удивлением я получил от вас прекрасный портрет^*, столь удовлетворяющий всем желаниям и обращенный… столь обязательно именно ко мне… Говоря по-здешнему, я уподобился человеку, ожидавшему простого Станислава и вдруг увидевшему себя украшенным Анной на шее с бриллиантами… Еще раз примите выражения моей сердечнейшей благодарности. Портрет очень хорош, очень похож, и притом это сходство такого рода, что делает великую честь уму художника. Это поразительное сходство навело меня на мысль, что есть такие типы людей, которые словно медали среди человечества: настолько они кажутся делом рук и вдохновения Великого Художника и настолько отличаются от обычных образцов ходячей монеты.

Ваш портрет, любезнейший друг мой, вполне удовлетворил бы всем моим желаниям, если бы вдобавок мог сообщить мне сведения, которые я желал бы иметь о вас, — о теперешнем состоянии вашего здоровья и вообще обо всем, что имеет отношение к вашему телесному и духовному существу. Почему бы вам в один из свободных часов не прийти к нему на помощь и не дать мне возможность узнать о вас все, что скрыто от меня его вынужденным безмолвием… несмотря на все его сходство?