Mais passons à des choses moins personnelles et plus intéressantes… Le retour du Pe Gortchakoff et tout ce que j’ai appris de lui m’a confirmé dans mes appréciations antérieures*
. — La visite à Paris avec tout cet accompagnement de fêtes et d’incidents* n’a été après tout qu’une fantasmagorie historique qui n’a eu aucune prise, mais pas la moindre, sur les faits contemporains, et qui, néanmoins, n’a pas manqué d’un certain caractère et d’une certaine portée. L’impression personnelle, produite par l’Empereur sur les masses françaises, a été très réelle, en dépit de toutes les préventions et de tous les mensonges… Cela n’aura, comme de raison, aucun résultat pratique dans le moment donné, mais il aura été constaté une fois de plus qu’il existe une affinité entre le fond humain de la nature russe, dont l’Emp certainement est l’un des meilleurs représentants, et les quelques bons instincts qui survivent encore dans le peuple en France. Le voisinage de l’élément allemand n’aura pu que faire ressortir encore davantage par le contraste cette affinité*. — Mais tout ceci n’aura aucune action immédiate sur les événements qui se préparent, portant avec eux toute sorte de crises et de calamités — et qui feront un jour apparaître dans une si singulière lumière toutes ces fêtes babyloniennes qui les auront précédées… La Providence, en grande artiste qu’elle est, nous ménage là un effet de théâtre des plus saisissants…La société est minée et c’est au-dessus de cette mine, déjà toute chargée, que se produisent tous ces simulacres d’une humanité triomphante dans sa civilisation, en s’embrassant dans la paix et la fraternité… Témoin, l’attitude des gouvernements européens vis-à-vis de ce qui se passe en Orient, au moment où l’on se dispose à fêter le Sultan à Paris et à Londres*
— ceci est le fait des pouvoirs… et témoin — quant aux peuples — la révélation de ce régime d’assassinats, à la manière polonaise, qui vient d’être signalé dans les rangs de la classe ouvrière de l’Angleterre*, la même classe qui va sous peu devenir la maîtresse du pays.Voilà certes des sujets d’articles à perte de vue pour la Москва
qui va renaître, et dont ici tout le monde attend la résurrection avec impatience…* C’est une voix dont le silence même était écouté, et dont on aura d’autant plus de plaisir à entendre la parole et l’accent… Il me semble que dans les circonstances données il sera facile à la Москва d’éviter les écueils les plus dangereux. — En effet, plus que jamais la question à l’ordre du jour est la question slave qui dans son infinie variété embrasse et enveloppe toutes les autres, et sur ce terrain-là on peut impunément se donner libre carrière.Cette question, malgré son impersonnalité apparente, est la plus intérieure, la plus intime de nos questions et touche à tout et à tous… La présence des Slaves parmis nous*
a mis en lumière bien des choses dont l’une qui n’est pas la moins curieuse, c’est l’analogie d’impressions, produites par le fait de leur présence sur les éléments en apparence les plus discordants de notre société — le high life administratif de Pétersb et le résidu du parti nihiliste… conformité dans la manière de voir certaines questions — pleine de révélations et d’enseignements…