Читаем Том 6. С того берега. Долг прежде всего полностью

Pétersbourg enseigna à ces hommes à mépriser toute civilisation, tout progrès; ils voulaient retourner aux formes étroites des temps qui avaient précédé Pierre Ier, et dans lesquels la vie russe se trouverait de nouveau à peu près étranglée. Heureusement, le chemin, pour revenir à la vieille Russie, s'est depuis longtemps couvert d'une épaisse forêt, et ni les slavophiles ni le gouvernement ne réussiront à la raser.

La lutte de ces partis, a, depuis dix ans, donné à la littérature une nouvelle vie; les journaux ont vu s'accroître considérablement le nombre de leurs souscripteurs, et, aux cours d'histoire, les bancs de l'université de Moscou rompaient sous la foule des auditeurs. N'oubliez pas que, dans l'excessive pauvreté d'organes de l'opinion publique, les questions de littérature et de science se sont transformées en une arène pour les partis politiques. Tel était l'état de choses lorsque la Révolution, de Février éclata.

Le gouvernement, d'abord étourdi, ne fit rien, mais lorsqu'il vit l'allure humble et soumise de la modeste République, il reprit bientôt ses sens. Le gouvernement russe déclara hautement qu'il se considérait comme le champion du principe monarchique et, présageant la solidarité de la civilisation avec la Révolution (à l'exemple de l'Assemblée Nationale française) il ne cacha pas qu'il était prêt à tout sacrifier pour la cause de l'ordre.

Le gouvernement russe, avec plus d'énergie que cette Assemblée, marcha, dans sa cynique hardiesse, à l'anéantissement de la civilisation et du progrès.

Qu'en adviendra-t-il?.. En Russie, peut-être, la ruine de tout élément civilisateur. Epouvantable résultat! Mais la Russie n'en sera pas abîmée pour cela. Il est même fort possible que ce résultat devienne, pour le Peuple, le signal du réveil, et que s'ouvre alors une nouvelle ère pour la justice et les droits du Peuple.

Le gouvernement, en attendant, semble avoir oublié, qu'il est né à Pétersbourg, qu'il est le gouvernement de la Russie civilisée; qu'il est lié, lui aussi, par les gages qu'il a donné à la civilisation européenne, et qu'en dépit de ses airs actuels d'orthodoxie et de nationalité, le paysan russe le regarde toujours comme allemand.

Le sort du trône de Pétersbourg – admirez la sublime ironie! – est lié à la civilisation; en l'anéantissant il se précipite dans un abîme effroyable, et s'il la laisse grandir, il tombe dans un autre abîme. – Il est possible, d'ailleurs, que la Russie, par suite d'une oppression intolérable, se décompose en un grand nombre de parties; peut-être aussi se précipitera-t-elle tout simplement en avant, et, dans son impatience, secouera-t-elle, de dessus son dos vigoureux, les cavaliers maladroits. Tout cela est encore dans l'avenir, et je ne suis pas maître dans l'art de la divination.

Après tout ce que j'ai dit, voilà la question que l'on s'adresse involontairement. Quelle idée, quelle pensée apporte donc ce Peuple dans l'histoire? Jusqu'à présent, nous voyons seulement qu'il se présente lui-même, et c'est là, d'ordinaire, la condition de tout ce qui n'a pas encore mûri. Quelle idée apporte un enfant dans la famille? Rien autre chose que la faculté, la disposition, la possibilité d'un développement. Quant à savoir si cette possibilité existe, si les mucles de l'enfant sont vigoureux, si ses facultés y répondent, ce sont là des questions abandonnées à notre examen. Et voilà précisément pourquoi j'insiste aujourd'hui plus que jamais sur la nécessité d'étudier la Russie.

En face de l'Europe, dont les forces se sont épuisées à travers les luttes d'une longue vie, se pose un Peuple, dont l'existence commence à peine, et qui, sous la dure écorce extérieure du tzarisme et de l'impérialisme, a grandi et s'est développé, comme les cristaux croissent sous une géode; l'écorce du tzarisme moscovite est tombée, aussitôt qu'elle est devenue inutile; l'écorce de l'impérialisme adhère encore moins fortement à l'arbre.

Il est vrai que, jusqu'à présent, le Peuple russe ne s'est en rien occupé de la question de gouvernement; sa foi a été celle d'un enfant, sa soumission toute passive. Il ne s'est réservé qu'un seul fort, resté debout à travers tous les âges: c'est sa commune rurale, et par là il est plus près d'une Révolution sociale que d'une Révolution politique. La Russie naît à la vie comme Peuple, le dernier de tous, encore plein de jeunesse et d'activité à une époque, où les autres Peuples veulent du repos; il apparaît dans l'orgueil de sa force à une époque, où les autres Peuples se sentent fatigués et sur leur déclin. Son passé a été pauvre, son présent est monstrueux; il est vrai que cela ne constitue encor aucuns droits.

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