Il me semble parfois que mon sang coule `a flots,Ainsi qu'une fontaine aux rythmiques sanglots.Je l'entends bien qui coule avec un long murmure,Mais je me t^ate en vain pour trouver la blessure.`A travers la cit'e, comme dans un champ clos,Il s'en va, transformant les pav'es en ^ilots,D'esalt'erant la soif de chaque cr'eature,Et partout colorant en rouge la nature.J'ai demand'e souvent `a des vins captieuxD'endormir pour un jour la terreur qui me mine;Le vin rend oeil plus clair et l'oreille plus fine!J'ai cherch'e dans l'amour un sommeil oublieux;Mais l'amour n'est pour moi qu'un matelas d'aiguillesFait pour donner `a boire `a ces cruelles filles!
C'est une femme belle et de riche encolure,Qui laisse dans son vin tra^iner sa chevelure.Les griffes de l'amour, les poisons du tripot,Tout glisse et tout s''emousse au granit de sa peau.Elle rit `a la Mort et nargue la D'ebauche,Ces monstres dont la main, qui toujours gratte et fauche,Dans ses jeux destructeurs a pourtant respect'eDe ce corps ferme et droit la rude majest'e.Elle marche en d'eesse et repose en sultane;Elle a dans le plaisir la foi mahom'etane,Et dans ses bras ouverts, que remplissent ses seins,Elle appelle des yeux la race des humains.Elle croit, elle sait, cette vierge inf'econdeEt pourtant n'ecessaire `a la marche du monde,Que la beaut'e du corps est un sublime donQui de toute infamie arrache le pardon.Elle ignore l'Enfer comme le Purgatoire,Et quand l'heure viendra d'entrer dans la Nuit noire,Elle regardera la face de la Mort,Ainsi qu'un nouveau-n'e, - sans haine et sans remord.