– Harry, tu es toujours le meilleur en cours de défense contre les forces du Mal, dit Hermione.
– Moi ? s’étonna-t-il, en souriant de plus en plus. Bien sûr que non, tu m’as battu à tous les examens…
– Non, ce n’est pas vrai, répliqua froidement Hermione. Tu m’as battue en troisième année, la seule année où on ait tous les deux passé l’examen avec un professeur qui savait de quoi il parlait. Mais il ne s’agit pas d’examens, Harry, pense plutôt à ce que tu as
– Qu’est-ce que tu veux dire ?
– Tu sais, finalement, je n’ai pas très envie d’avoir comme prof quelqu’un d’aussi idiot, dit Ron à Hermione, avec un petit sourire moqueur.
Il se tourna vers Harry.
– Réfléchissons, dit-il, en imitant Goyle en plein effort de concentration. Heu… première année, tu as sauvé la pierre philosophale des mains de Tu-Sais-Qui.
– Simple coup de chance, dit Harry. Ce n’était pas mon habileté personnelle…
– Deuxième année, l’interrompit Ron, tu as tué le Basilic et anéanti Jedusor.
– Oui, mais si Fumseck n’avait pas été là, je…
– Troisième année, poursuivit Ron en élevant la voix, tu as affronté une centaine de Détraqueurs à la fois…
– Là encore, un coup de chance, si le Retourneur de Temps n’avait…
– L’année dernière, reprit Ron qui criait presque à présent, tu as combattu Tu-Sais-Qui
– Écoutez-moi ! s’exclama Harry, presque avec colère.
Ron et Hermione avaient maintenant un petit rire moqueur.
– Vous m’écoutez, oui ? Ça paraît très bien quand vous en parlez comme ça, mais c’était uniquement de la chance ; la moitié du temps, je ne savais pas ce que je faisais, je n’avais rien prévu, j’ai simplement improvisé comme je le pouvais et j’ai presque toujours eu de l’aide…
Ron et Hermione continuaient de ricaner et Harry sentit sa colère monter. Il ne savait d’ailleurs pas très bien pourquoi il était si furieux.
– Ne restez pas là à sourire comme si vous saviez tout mieux que moi ! dit-il en s’emportant. C’est moi qui étais là, non ? Je sais bien ce qui s’est passé ! Et si j’ai réussi à faire tout ça, ce n’est pas parce que j’étais brillant en défense contre les forces du Mal mais parce que… parce que j’ai reçu une aide au bon moment ou parce que j’avais bien deviné… mais, croyez-moi, j’ai complètement pataugé, je n’avais aucune idée de ce que je faisais – ET ARRÊTEZ DE RIGOLER !
Le bol d’essence de Murlap tomba par terre et se brisa. Harry se rendit compte qu’il était debout alors qu’il ne se souvenait pas de s’être levé. Pattenrond fila se réfugier sous un canapé. Le sourire de Ron et d’Hermione avait disparu.
– Vous ne savez pas ce que c’est ! Ni l’un ni l’autre vous n’avez eu à l’affronter ! Vous pensez qu’il suffit de se souvenir de quelques sortilèges et de les lui jeter à la figure, comme si on était en classe ? Pendant tout le temps où vous êtes face à lui, vous savez qu’entre vous et la mort, il n’y a plus rien d’autre que votre… votre cerveau, vos tripes, ou je ne sais quoi. Comme si on pouvait réfléchir normalement quand on sait que dans une fraction de seconde, on va se faire tuer, torturer ou voir ses amis mourir… ils ne nous ont jamais appris ça en classe, ce que c’est que d’affronter ce genre de choses… Et vous deux, vous êtes là à faire comme si j’étais un brave garçon bien intelligent sous prétexte que je suis vivant, comme si Diggory, lui, n’était qu’un idiot qui a raté son coup… Vous n’y comprenez rien, j’aurais très bien pu mourir à sa place, c’est ce qui se serait passé si Voldemort n’avait pas eu besoin de moi…
– On n’a rien dit de tout ça, mon vieux, se défendit Ron, effaré. On ne s’en est jamais pris à Diggory, pas du tout, tu te trompes complètement…
Il jeta un regard désemparé à Hermione qui paraissait pétrifiée.
– Harry, dit-elle timidement, tu ne comprends donc pas. C’est… c’est exactement pour ça qu’on a besoin de toi… on a besoin de savoir co-comment c’est… de… de l’affronter… d’affronter V-Voldemort.
C’était la première fois de sa vie qu’elle prononçait le nom de Voldemort et ce fut cela, plus que tout le reste, qui parvint à calmer Harry. La respiration toujours saccadée, il se laissa retomber dans son fauteuil et reprit conscience de l’horrible douleur qui lui transperçait la main. Il regretta alors d’avoir renversé le bol d’essence de Murlap.
– Écoute… penses-y, dit Hermione à voix basse. S’il te plaît.
Harry ne trouva rien à répondre. Il avait déjà honte de s’être emporté et il se contenta d’acquiescer d’un signe de tête, sans très bien savoir à quoi.
Hermione se leva.
– Bon, je vais me coucher, dit-elle d’une voix qu’elle s’efforça de rendre la plus naturelle possible. Heu… Bonne nuit.
Ron s’était levé à son tour.
– Tu viens ? demanda-t-il maladroitement à Harry.
– Oui, répondit Harry. Dans une minute, le temps de nettoyer ça.
Il montra le bol fracassé par terre. Ron fit un signe de tête et s’en alla.
–