– Non, répondit Harry en hochant la tête. C’est plutôt… son humeur, j’imagine. Par instants, je ressens son humeur comme dans une sorte d’éclair. Dumbledore a dit que quelque chose dans ce genre-là s’était produit l’année dernière. Lorsque Voldemort était près de moi ou qu’il ressentait de la haine, je le savais. Eh bien, maintenant, je sais aussi quand il est de bonne humeur…
Il y eut un silence. Au-dehors, le vent et la pluie ne faiblissaient pas.
– Il faut que tu le dises à quelqu’un, suggéra Ron.
– J’en ai parlé à Sirius la dernière fois.
– Parle-lui-en encore !
– Je ne peux plus, répondit Harry avec tristesse. Ombrage surveille les hiboux et la cheminée.
– Alors, va voir Dumbledore.
– Je viens de te dire qu’il est déjà au courant, répliqua Harry d’un ton abrupt.
Il se leva, décrocha sa cape et la déploya autour de ses épaules.
– À quoi bon le lui répéter ?
Ron attacha sa propre cape en regardant Harry d’un air songeur.
– Dumbledore préférerait le savoir, dit-il.
Harry haussa les épaules.
– Allez, viens, il faut qu’on s’entraîne à jeter le sortilège de Mutisme.
Sans dire un mot, ils traversèrent le parc plongé dans l’obscurité, glissant et trébuchant sur les pelouses boueuses. Harry réfléchissait. Quelle était donc cette chose qui ne se faisait pas assez vite au goût de Voldemort ?
« Il a d’autres projets… des projets qu’il peut mettre en œuvre très discrètement… Des choses qu’il ne peut obtenir que dans le plus grand secret… Une arme, par exemple. Une arme nouvelle dont il ne disposait pas la dernière fois… »
Depuis des semaines, Harry n’avait plus réfléchi à ces paroles de Sirius. Il avait été trop absorbé par ce qui se passait à Poudlard, trop occupé par les conflits avec Ombrage, l’injustice des interventions du ministère… Mais à présent, ces mots lui revenaient en tête et le faisaient réfléchir… La colère de Voldemort aurait un sens s’il n’avait pas progressé dans la recherche de l’
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Harry revint à la réalité juste à temps pour franchir le trou qui donnait accès à la salle commune.
Il apparut qu’Hermione était allée se coucher de bonne heure, laissant Pattenrond lové dans un fauteuil et des chapeaux d’elfes grossièrement tricotés posés sur une table auprès du feu. Harry était plutôt content qu’elle ne soit pas là : il n’avait pas envie de lui parler de sa cicatrice et de l’entendre dire, elle aussi, qu’il devait absolument aller voir Dumbledore. Ron ne cessait de lui jeter des regards inquiets mais Harry se contenta de sortir ses livres de sortilèges et de se mettre à son devoir. Il faisait semblant de se concentrer, cependant, et lorsque Ron lui annonça qu’il allait également se coucher, Harry n’avait quasiment rien écrit.
Minuit arriva tandis qu’il lisait et relisait sans rien y comprendre un passage sur les propriétés du cranson officinal, de la livèche et de l’achillée sternutatoire.
« Ces plantes sont d’une grande utilité pour enflammer le cerveau et entrent ainsi dans la composition des philtres de Confusion et d’Embrouille par lesquels le sorcier désire inciter à des conduites impétueuses et téméraires… »
… Hermione disait que Sirius devenait téméraire depuis qu’il était enfermé square Grimmaurd…
« … d’une grande utilité pour enflammer le cerveau et entrent ainsi dans la composition… »
« … entrent ainsi dans la composition des philtres de Confusion et d’Embrouille… »
… La confusion, c’était le mot qui convenait. Pour quelle raison savait-il ce que Voldemort ressentait ? Quelle était donc la nature de ce lien étrange qui existait entre eux et dont jamais Dumbledore ne lui avait donné une explication satisfaisante ?
« … le sorcier désire inciter… »
… Harry aurait tellement eu envie de dormir…
« … à des conduites impétueuses… »
… Ce fauteuil devant le feu était si chaud, si confortable, avec Pattenrond qui ronronnait, le crépitement des flammes et la pluie qui continuait de tambouriner sur les carreaux…
Le livre lui glissa des mains et tomba sur le tapis avec un bruit mat. Sa tête s’inclina sur le côté…
Il avançait une fois de plus le long d’un couloir sans fenêtres, ses pas résonnant dans le silence. À mesure que la porte, au bout du passage, se rapprochait, l’excitation accélérait le rythme de son cœur… si seulement il avait pu l’ouvrir… la franchir…
Il tendit la main… Le bout de ses doigts n’était plus qu’à quelques centimètres…
– Harry Potter, monsieur !
Il se réveilla en sursaut. Toutes les chandelles de la salle commune étaient éteintes mais il voyait quelque chose bouger près de lui.
– Quiélà ? dit Harry en se redressant dans son fauteuil.
Le feu s’était presque entièrement consumé, il faisait noir dans la pièce.