– Avant de commencer le cours d’aujourd’hui, dit Rogue qui avait foncé vers son bureau et les dévisageait à présent d’un regard circulaire, je crois utile de vous rappeler qu’en juin prochain vous aurez à passer un examen important au cours duquel vous devrez apporter la preuve de vos connaissances en matière de composition et d’utilisation des potions magiques. Malgré le crétinisme congénital qui caractérise indubitablement une partie de cette classe, il serait souhaitable que vous arrachiez une mention « acceptable » lors de votre épreuve de B.U.S.E. si vous ne voulez pas subir… mon mécontentement.
Son regard s’attarda sur Neville qui déglutit avec difficulté.
– Au terme de cette année, bien entendu, nombre d’entre vous cesseront d’assister à mes cours, poursuivit Rogue. Je ne prends en effet que les meilleurs pour la préparation des A.S.P.I.C., ce qui signifie que certains n’auront plus qu’à me dire au revoir.
Ses yeux se posèrent sur Harry et sa lèvre se retroussa. Harry soutint son regard en éprouvant un sombre plaisir à l’idée qu’il pourrait enfin laisser tomber les cours de potions à l’issue de sa cinquième année.
– Mais avant d’en arriver à ce bonheur des adieux, nous avons encore un an à passer ensemble, reprit Rogue d’une voix doucereuse, aussi, que vous ayez ou non l’intention de passer l’épreuve de potions aux A.S.P.I.C., je vous conseille de consacrer tous vos efforts à maintenir le haut niveau que j’attends de mes élèves en année de B.U.S.E. Aujourd’hui, nous allons préparer une potion qui est souvent demandée au Brevet Universel de Sorcellerie Élémentaire. Il s’agit du philtre de Paix, destiné à calmer l’anxiété et à apaiser l’agitation. Mais je dois vous avertir que si vous avez la main trop lourde dans le dosage des ingrédients, celui qui boirait la potion tomberait dans un sommeil profond et peut-être même irréversible. Vous devrez donc vous montrer particulièrement attentifs à ce que vous faites.
À la gauche de Harry, Hermione se redressa un peu plus, en affichant une expression d’extrême concentration.
– Les ingrédients et la méthode de préparation (Rogue agita sa baguette magique) figurent au tableau (ils s’y inscrivirent à cet instant). Vous trouverez tout ce dont vous aurez besoin (il agita à nouveau sa baguette) dans l’armoire (dont la porte s’ouvrit aussitôt). Vous avez environ une heure et demie… Allez-y.
Ainsi que Harry, Ron et Hermione l’avaient prévu, Rogue n’aurait pas pu choisir pour un début d’année une potion plus difficile et délicate à préparer. Les ingrédients devaient être versés dans le chaudron exactement dans l’ordre et les quantités indiqués. Il fallait tourner le mélange un nombre précis de fois, d’abord dans le sens des aiguilles d’une montre, puis dans le sens contraire. Enfin, on devait diminuer la chaleur des flammes jusqu’à une température bien précise pendant une durée déterminée, avant d’ajouter l’ingrédient final.
– Une légère vapeur argentée devrait maintenant s’élever de vos potions, annonça Rogue dix minutes avant la fin du cours.
Harry, qui transpirait abondamment, regarda autour de lui d’un air désespéré. Son propre chaudron produisait d’énormes panaches de vapeur gris foncé. Celui de Ron crachait des étincelles vertes. Du bout de sa baguette, Seamus essayait fébrilement de ranimer son feu qui paraissait sur le point de s’éteindre. La potion d’Hermione, en revanche, frémissait d’une brume de vapeur argentée. Lorsque Rogue passa devant elle, ses yeux se baissèrent sur son nez crochu et il regarda le chaudron sans faire de commentaire, ce qui signifiait qu’il n’avait rien trouvé à critiquer. Mais quand il arriva devant le chaudron de Harry, il s’arrêta et regarda la mixture avec un horrible sourire.
– Potter, qu’est-ce que c’est que ça, exactement ?
Aux premiers rangs de la classe, les Serpentard relevèrent avidement la tête. Ils étaient toujours ravis d’entendre Rogue infliger ses sarcasmes à Harry.
– Un philtre de Paix, répondit Harry d’un air tendu.
– Dites-moi, Potter, reprit Rogue de sa voix doucereuse, savez-vous lire ?
Drago Malefoy éclata de rire.
– Oui, dit Harry, la main serrée sur sa baguette magique.
– Dans ce cas, voudriez-vous me lire à haute voix la troisième ligne des instructions, Potter ?
Harry regarda le tableau en plissant les yeux. Il n’était pas facile de lire à travers la brume multicolore qui s’était à présent répandue dans la salle.
– Ajouter la poudre de pierre de lune, tourner trois fois dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, laisser frémir pendant sept minutes, puis ajouter deux gouttes de sirop d’ellébore.
Il sentit son cœur chavirer. Il avait oublié d’ajouter le sirop d’ellébore et était passé directement à la quatrième étape après avoir laissé sa potion frémir pendant sept minutes.
– Avez-vous fait tout ce qui est écrit à la troisième ligne, Potter ?
– Non, répondit Harry à voix basse.
– Je vous demande pardon ?
– Non, répéta Harry plus fort. J’ai oublié l’ellébore.