Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome IV полностью

– Fou que je suis, se dit-il, où vais-je? Dieu ne se détourne-t-il pas avec colère dans la profondeur du ciel? Quoi! une idée s’est offerte à moi; quoi! une circonstance a favorisé l’exécution de cette idée; quoi! un homme suscité par Dieu pour causer le mal que j’ai fait a consenti à réparer ce mal, et je me trouve aujourd’hui possesseur d’un trésor et de mon enfant! Ainsi, avec dix mille livres – dix mille autres étant réservées à l’enfant – je puis ici vivre comme un heureux cultivateur, parmi ces bons villageois, au sein de cette nature sublime et féconde. Je puis m’ensevelir à jamais dans une douce béatitude, travailler et penser, oublier le monde et m’en faire oublier; je puis, bonheur immense! élever moi-même cet enfant et jouir ainsi de mon ouvrage.


«Pourquoi non? ces bonnes chances ne sont-elles pas la compensation de toutes mes souffrances passées? Oh! oui, je puis vivre ainsi; oui, je puis me substituer, dans le partage, à cet enfant que, d’ailleurs, j’aurai élevé moi-même, gagnant ainsi l’argent qui sera donné à des mercenaires. Je puis avouer à maître Niquet que je suis son père, je puis tout!»


Et son cœur s’emplit peu à peu d’une joie indicible et d’un espoir qu’il n’avait pas encore savouré, même dans les hallucinations les plus riantes de ses rêves.


Tout à coup, le ver qui sommeillait au fond de ce beau fruit se réveilla et montra sa tête hideuse; c’était le remords, c’était la honte, c’était le malheur.


– Je ne puis, se dit Gilbert en pâlissant. J’ai volé l’enfant à cette femme, comme je lui ai volé son honneur… J’ai volé l’argent à cet homme pour en faire, ai-je dit, une réparation. Je n’ai donc plus le droit de m’en faire du bonheur à moi-même; je n’ai pas non plus le droit de garder l’enfant, puisqu’une autre ne l’aura pas. Il est à nous deux, cet enfant, ou à personne.


Et, sur ces mots, douloureux comme des blessures, Gilbert se releva désespéré; son visage exprima alors les plus sombres, les plus haineuses passions.


– Soit! dit-il, je serai malheureux; soit! je souffrirai; soit! je manquerai de tous et de tout; mais le partage qu’il me fallait faire du bien, je veux le faire du mal. Mon patrimoine, désormais, c’est la vengeance et le malheur. Ne crains rien, Andrée, je partagerai fidèlement avec toi!


Il détourna sur la droite et, après s’être orienté par un moment de réflexion, il s’enfonça dans les bois, où il marcha tout le jour pour gagner la Normandie, qu’il avait supputé devoir rencontrer dans quatre jours de marche.


Il possédait neuf livres et quelques sous. Son extérieur était honnête, sa figure calme et reposée. Un livre sous le bras, il ressemblait beaucoup à un étudiant de famille retournant dans la maison paternelle.


Il prit l’habitude de marcher la nuit dans les beaux chemins et de dormir le jour dans les prairies, aux rayons du soleil. Deux fois seulement, la brise l’incommoda si fort, qu’il fut contraint d’entrer dans une chaumière où, sur une chaise dans l’âtre, il dormit du meilleur de son cœur sans s’apercevoir que la nuit était venue.


Il avait toujours une excuse et une destination.


– Je vais à Rouen, disait-il, chez mon oncle, et je viens de Villers-Cotterêts: j’ai voulu, comme un jeune homme, faire la route à pied pour me distraire.


Nul soupçon de la part des paysans; le livre était une contenance alors respectée. Si Gilbert voyait le doute voltiger sur quelques bouches plus pincées, il parlait d’un séminaire où l’entraînait sa vocation. C’était la déroute complète de toute mauvaise pensée.


Huit jours se passèrent ainsi, pendant lesquels Gilbert vécut comme un paysan, dépensant dix sous par jour et faisant dix lieues de pays. Il arriva en effet à Rouen, et là n’eut plus besoin de se renseigner ni de chercher la route.


Le livre qu’il portait était un exemplaire de La Nouvelle Héloïse richement relié. Rousseau lui avait fait ce présent et écrit son nom sur la première feuille du livre.


Gilbert, réduit à quatre livres dix sous, déchira cette page qu’il garda précieusement et vendit l’ouvrage à un libraire qui en donna trois livres.


Ce fut ainsi que le jeune homme put arriver, trois autres jours après, en vue du Havre et qu’il aperçut la mer au coucher du soleil.


Ses souliers étaient dans un état peu convenable pour un jeune monsieur qui mettait coquettement le jour des bas de soie pour traverser les villes; mais Gilbert eut encore une idée. Il vendit ses bas de soie, ou plutôt les troqua pour une paire de souliers irréprochables quant à la solidité. Pour l’élégance, nous n’en parlerons pas.


Cette dernière nuit, il la passa dans Harfleur, logé, nourri pour seize sous. Il mangea là des huîtres pour la première fois de sa vie.


– Un mets des riches, se dit-il, pour le plus pauvre des hommes, tant il est vrai que Dieu n’a jamais fait que le bien, tandis que les hommes ont fait le mal, selon la maxime de Rousseau.


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