3) Aurez-Vous le temps de finir ce grand ouvrage, supposé que les moyens fussent en Votre disposition?
Si Vous ne pouvez pas répondre bien affirmativement à ces trois importantes questions, ne consumez pas Vos forces en vains efforts, ou projets à demi exécutés.
En tout cas profitez des bas prix du blé à Riga pour accumuler de grands magasins, et surtout soignez-en la conservation le mieux possible. Tant que Vos armées auront du pain, de la poudre et des armes Vous êtes sûr de Vos frontières.
Mon autre mémoire contient les propositions ostensibles pour le rétablissement des finances. En voici de nouvelles:
Rétablissez le commerce autant que possible sans sortir de Votre rôle de confédéré. Faites le faire par licences à l’exemple de Votre Allié même. Si lui se permet pour l’avantage de la France de donner des licences pour quelques branches de commerce, Vous en avez au moins autant de droit que lui à cette censure. Vos devoirs envers Votre nation Vous donnent ce droit. Donnez donc d’abord des licences pour les bois, les chanvres, le fer et le cuivre. Achetez les grains qu’il Vous faut pour les armées, et, ces contrats faits, donnez des licences pour cet objet
Ne Vous fâchez pas que je Vous conseille à présent une politique qui ressemble à de la faiblesse. Quand la guerre sera venue Vous reconnaîtrez Votre Parrot. Cette fois il sera à Vos côtés et il Vous donnera des motifs de l’avouer hautement contre lesquels on n’objectera rien. Quelques semaines de repos que j’ai données à ma tête m’ont fait retrouver une partie de ma santé; elle fleurira dans le tumulte de la guerre, au son du canon.
Faites la paix avec la Perse, plus tard Vous y serez forcé4
. Mais faites-la promptement. Pourquoi des conquêtes à l’Orient que la Russie ne peut pas gouverner? Ne veuillez pas aller contre les lois de la nature. La Ladoga et le Golfe persique n’obéiront jamais au même maître.Faites la paix avec la Porte. Ceci est plus difficile, depuis que les autrichiens entrent en Turquie. La France Vous a-t-elle proposé une combinaison à cet effet? Dans l’un et l’autre cas la position est difficile. Mais dans l’un et l’autre la paix est absolument nécessaire. Car lorsque Vous serez attaqués Vos armées au-delà du Danube sont tournées5
. Prenez le prétexte des finances, quand Votre paix sera faite; car il faut la faire subitement, avant qu’on puisse Vous la gâter. Vous devriez la faire, réellement pour les finances, pour Vous faire payer les frais de la guerre en argent. Ce que Vous conserverez des provinces conquises, faites le administrer absolument comme auparavant. Établissez-y Ypsilanti en qualité de gouverneur général et contentez-Vous d’un ducat par tête, ce qu’il payait à la Porte, et de l’entretien de 30 000 Russes. C’est un homme de tête, d’une bonne politique et à ce que je crois de droiture. Sa présence sera regardée dans ces provinces comme le plus beau don. Les projets de culture et d’administration européenne doivent être ajournées.On parle du rétablissement de la milice. S’il a lieu, je Vous supplie d’exécuter le plan que je Vous avais fait pour les provinces baltiques et la Pologne. L’humanité aussi bien que l’intérêt de l’État l’exigent. Des milliers de ces malheureux milices estoniens et livoniens sont morts de faim. Le Russe par contre saura se faire donner à manger dans ce pays-ci. On ne tentera même pas de lui faire éprouver la famine. De mauvais projets ont contredit alors pour emporter des décorations, et ont réussi.
Le moment d’être décidé est venu. Ne le manquez pas, mon Bien-Aimé! Agissez fortement quoique avec prudence. Je ne Vous donne que des esquisses, je le sens. Mais à quoi servent de longs traités? Le temps employé à les lire est perdu pour l’exécution.