Elle pénètre dans le mur de lumière et se trouve projetée de l'autre côté, hors de la Cité. Ses yeux à facettes accommodent peu à peu, cependant qu'elle ressent les piqûres de l'air sauvage. Un air froid, mobile et parfumé, à l'opposé de l'atmosphère apprivoisée du monde où elle a vécu.
Ses antennes virevoltent. Elle a du mal à les orienter à sa guise. Un courant d'air plus rapide les lui plaque sur le visage. Ses ailes claquent.
Là-haut, à la pointe du dôme, des ouvrières la réceptionnent. Elles la saisissent par les pattes, la hissent, la poussent en avant dans une cohue de sexués, des centaines de mâles et de femelles qui grouillent et s'entassent sur une étroite surface. La 56e princesse comprend qu'elle est sur la piste de décollage du vol nuptial mais qu'il faut attendre que la météo soit meilleure.
Or, tandis que le vent continue de faire des siennes, une dizaine de moineaux ont repéré les sexués. Excités par l'aubaine, ils volettent de plus en plus près. Lorsqu'ils se rapprochent trop, les artilleuses placées en couronne autour de la cime les gratifient de leurs jets d'acide.
Justement, voilà qu'un de ces oiseaux tente sa chance, plonge dans le tas, saisit trois femelles et remonte! Avant que l'audacieux n'ait repris de l'altitude, il est abattu par les artilleuses; il se roule dans l'herbe, pitoyable, la bouche encore pleine, dans l'espoir d'essuyer le poison de ses ailes. Que ça leur serve d'exemple, à tous! Et de fait, les moineaux ont un peu reculé… Mais personne n'est dupe. Ils ne vont pas tarder à revenir, tester encore la défense antiaérienne.
Le vent s'est calmé, les courants d'air se font rares, la température monte. À 22°-temps, la Cité décide de lâcher ses enfants. Les femelles font vrombir leurs quatre ailes. Elles sont prêtes, archiprêtes. Toutes ces odeurs de mâles mûrs ont porté leur appétit sexuel à son comble.
Les premières vierges décollent avec grâce., Elles s'élèvent à une centaine de têtes et… se font déjà faucher par les moineaux. Aucune ne passe.