C'est avec une infinie allégresse qu'il a étreint le vieil Ananie et le mit au courant de son avancement spirituel. Le respectable vieillard lui rendit son affection avec une grande bonté. Cette fois, Fex-rabbin n'eut pas besoin de s'isoler dans une pension chez des inconnus car les frères du « Chemin » lui offrirent leur hospitalité franche et amicale. Quotidiennement, II se rappelait l'émotion réconfortante de la première réunion à laquelle il avait comparu avant de se recueillir dans le désert. La petite assemblée fraternelle se réunissait tous les soirs, échangeait des idées nouvelles sur les enseignements du Christ, et commentait les événements mondains à la lumière de l'Évangile, tout en partageant des objectifs et des conclusions. Saûl avait été informé de toutes les nouveautés concernant la doctrine, et vérifia les premiers effets du choc entre les Juifs et les amis du Christ, relatif à la circoncision. Son tempérament passionné perçut alors toute l'extension de la tâche qui lui était réservée. Les pharisiens formalistes de la synagogue ne se révoltaient plus contre les activités du « Chemin », dès lors que les partisans de Jésus étaient, avant tout, de fidèles observateurs des principes de Moïse. Seul Ananie et quelques autres perçurent la subtilité des casuistes qui provoquaient délibérément la confusion dans tous les domaines, retardant ainsi la marche victorieuse de la Bonne Nouvelle rédemptrice. L'ex-docteur de la Loi reconnut qu'en son absence, la procédure de persécution était devenue plus dangereuse et plus imperceptible, car aux caractéristiques cruelles mais franches, du mouvement initial, avaient succédé des manifestations d'hypocrisie pharisienne qui, sous prétexte de concessions et de bienveillance, plongeaient la personnalité de Jésus et la grandeur de ses leçons divines dans un oubli criminel et délibéré. En cohérence avec les nouvelles dispositions alimentées en son for intérieur, il ne prétendait pas retourner à la synagogue de Damas pour ne pas paraître être un maître prétentieux prêt à se battre pour le salut d'autrui, avant d'avoir soigné son propre perfectionnement. Mais face à ce qu'il voyait et ce qu'il pouvait en déduire avec son sens élevé de la psychologie, il comprit qu'il était utile d'en tirer toutes les conséquences et de démontrer les disparités existantes entre le formalisme pharisien et l'Évangile : ce qu'était la circoncision et ce qu'était la nouvelle foi. En exposant à Ananie le projet de fomenter la discussion autour du sujet, le généreux vieillard stimula son intention de rétablir la vérité dans ses légitimes fondements.
Pour cela, le deuxième samedi après son arrivée en ville, le vigoureux prédicateur a comparu à la synagogue. Personne n'a reconnu le rabbin de Tarse dans sa vieille tunique, la peau bronzée, le visage décharné, une lueur plus vibrante dans ses yeux profonds.
Une fois la lecture et l'exposition consacrée terminées, après que la parole fut donnée aux fidèles studieux de la religion, voici qu'un inconnu est monté à la tribune des maîtres d'Israël et chercha à attirer l'attention de la grande assemblée présente. Il a parlé d'abord du caractère sacré de la Loi de Moïse et s'est arrêté passionné sur les promesses merveilleuses et sages d'Ésaïe, jusqu'à ce qu'il en arrive à pénétrer dans l'étude des prophètes. Tout le monde l'écoutait avec une profonde attention. Quelques-uns s'efforçaient d'identifier cette voix qui ne leur semblait pas complètement inconnue. Ce vibrant discours suscitait des déductions d'une grande portée et d'une grande beauté. Une immense lumière spirituelle débordait d'une sublime extase.
Ce fut alors que l'ex-rabbin, connaissant le pouvoir magnétique déjà exercé sur son large auditoire, se mit à parler du Messie nazaréen et compara sa vie, ses actes et ses enseignements aux textes qui l'annonçaient dans les Écritures saintes.
Lorsqu'il aborda le problème de la circoncision, l'assemblée se mit à crier furieusement.
C'est lui !... C'est le traître !... clamèrent les plus audacieux, après avoir identifié l'ex- docteur de Jérusalem. - Des pierres pour le blasphémateur !... C'est le hors-la-loi de la secte du « Chemin » !...
Les chefs du service religieux, à leur tour, ont reconnu leur ancien compagnon maintenant considéré comme transfuge de la Loi et qui devait supporter des punitions rudes et cruelles.
Saûl assistait à la répétition de la scène à laquelle il se fit entendre lors de la fameuse réunion en présence des sacerdotes de Chypre. Impassible, il a affronté la situation jusqu'à ce que les autorités religieuses réussissent à calmer les esprits turbulents.
Après les phases les plus bruyantes du tumulte, l'archiprêtre prit position et décida que l'orateur descendrait de la tribune pour répondre à son interrogatoire.
Le converti de Damas a compris d'un regard tout le calme dont il avait besoin pour se sortir avec succès de cette difficile aventure et a immédiatement obéi sans protester.