Avec la présence de Paul, l'église de Corinthe acquérait une singulière importance et presque quotidiennement arrivaient des émissaires des régions les plus lointaines. C'étaient des porteurs de Galatie qui demandaient de l'aide pour les églises de Pisidie ; des compagnons d'Iconie, de Lystre, de Thessalonique, de Chypre, de Jérusalem. Autour de l'apôtre s'est formé un petit collège de partisans, de travailleurs permanents qui coopéraient avec lui aux moindres activités. Paul, néanmoins, s'inquiétait beaucoup. Les sujets étaient aussi urgents que variés. Il ne pouvait oublier ses objectifs ; il avait assumé de lourds engagements avec les frères de
Corinthe ; il ne devait oublier la collecte destinée à Jérusalem ; il ne pouvait mépriser les communautés précédemment fondées. Peu à peu, il comprit qu'il ne suffisait pas d'envoyer des émissaires. Les demandes pleuvaient de tous les sites par où il avait déambulé portant les bénéfices de la Bonne Nouvelle. Les frères aimants et confiants comptaient sur sa sincérité et son dévouement, l'obligeant à ardemment se battre.
Se sentant incapable de répondre à tous les besoins en même temps et profitant un jour du silence de la nuit alors que l'église était déserte, le dévoué disciple de l'Évangile supplia Jésus, les larmes aux yeux, que les aides nécessaires à l'accomplissement intégral de sa tâche ne lui fassent pas défaut.
Une fois terminée la prière, il se sentit enveloppé d'une douce clarté et eut la claire impression de recevoir la visite du Seigneur. À genoux, éprouvant une indicible émotion, il entendit un avertissement serein et affectueux :
N'aie pas peur - disait la voix -, continue à enseigner la vérité et ne te tais pas car je suis avec toi.
L'apôtre a laissé libre cours aux larmes qui coulaient de son cœur. Cette attention aimante de Jésus, cette exhortation en réponse à son appel pénétrait son âme comme des vagues caressantes. La joie du moment compensait toutes les douleurs et souffrances du chemin. Désireux de profiter de l'inspiration sacrée de ce moment furtif, il réfléchit aux difficultés qu'il avait à répondre aux différentes églises fraternelles. Cela suffit pour que la voix extrêmement douce continue :
Ne t'inquiète pas des besoins du service. Il est bien naturel que tu ne puisses assister personnellement tout le monde en même temps. Mais il est possible de tous les satisfaire, simultanément, par les pouvoirs de l'esprit.
Il voulut découvrir le juste sens de cette phrase mais n'y parvint pas.
Alors la voix continua avec douceur :
Tu pourras résoudre le problème en écrivant à tous les frères en mon nom ; ceux de bonne volonté sauront comprendre parce que la valeur de la tâche n'est pas dans la présence personnelle du missionnaire, mais dans le contenu spirituel de son verbe, de son exemple et de sa vie. Désormais, Etienne restera plus prêt de toi, te transmettant mes pensées, et le travail d'évangélisation pourra s'élargir dans l'intérêt des souffrances et des besoins du monde.
L'ami dévoué des gentils vit que la lumière s'éteignait ; le silence à nouveau régna entre les murs simples de l'église de Corinthe, mais comme s'il avait bu l'eau divine des clartés éternelles, il conservait son Esprit plongé dans une joie intraduisible. Il reprendrait la tâche avec plus de ténacité, enverrait aux communautés les plus lointaines des nouvelles du Christ.
Et effectivement, le lendemain, des porteurs de Thessalonique arrivèrent avec des nouvelles très désagréables. Les juifs avaient réussi à éveiller au sein de l'église d'étranges doutes et de nouveaux conflits. Timothée corroborait ces faits avec des commentaires personnels. Ils demandaient la présence de l'apôtre de toute urgence, mais celui-ci décida de mettre en pratique la suggestion du Maître, et se rappelant que Jésus lui avait promis d'associer Etienne à la divine tâche, il jugea bon ne pas devoir agir seul. Il fit donc appel à Timothée et à Silas pour écrire la première de ses célèbres épîtres.
C'est ainsi que commença la circulation de ces lettres immortelles dont l'essence spirituelle venait de la sphère du Christ à travers la contribution aimante d'Etienne -accompagnateur dévoué et fidèle de celui qui s'était proclamé, dans sa jeunesse, comme le premier persécuteur du christianisme.
Percevant l'esprit élevé de coopération de toutes les oeuvres divines, Paul de Tarse n'aspira jamais à écrire seul. Dans ces moments, il cherchait à s'entourer des compagnons les plus dignes, s'aidait de leurs inspirations, conscient du fait que lorsque le messager de Jésus ne trouvait pas dans ses qualités sentimentales les facultés précises pour transmettre les desseins du Seigneur, il trouverait en ses amis les ressources appropriées.