Ému par les bénédictions qu'il avait reçues des sphères les plus élevées de la vie, Saûl pleurait comme jamais il ne l'avait fait. Il était aveugle et loin des siens. De pénibles angoisses assaillaient son cœur oppressé. Mais la vision du Christ ressuscité, sa parole inoubliable, son expression d'amour étaient bien présentes dans son âme transformée. Jésus était le Seigneur, inaccessible à la mort. Il guiderait ses pas en chemin, lui donnerait de nouvelles directives, sécherait les plaies de la vanité et de l'orgueil qui rongeaient son cœur ; surtout, il le doterait de forces pour réparer les erreurs de ses jours d'illusion.
Impressionné et triste, Jacob guidait son chef, un ami pour lui, se demandant quelle était la raison de ces sanglots incessants et silencieux.
Entouré de l'ombre de sa cécité temporaire, Saûl ne put percevoir que le manteau épais du crépuscule embrassait la nature. Des nuages sombres accéléraient la tombée de la nuit, tandis que des vents suffocants soufflaient de l'immense plaine. Difficilement, il suivait les pas de Jacob, qui désirait hâter la marche, craignant la pluie. Son cœur résolu et énergique n'appréhendait pas les difficultés qui s'esquissaient en ces jours difficiles à venir. La vue lui manquait, il avait besoin d'un guide ; mais Jésus lui avait recommandé d'entrer dans la ville où il lui serait dit ce qu'il allait devoir faire. Il fallait obéir au Sauveur qui l'avait honoré des suprêmes révélations de la vie. Le pas hésitant, se blessant les pieds à chaque mouvement incertain, il marchait de toute manière pour exécuter les ordres divins. Il était essentiel de ne pas voir les difficultés, il était fondamental de ne pas oublier son objectif. Qu'importait ce regard dans les ténèbres, le retour de la caravane à Jérusalem, la laborieuse randonnée à pied en route pour Damas, la fausse hypothèse de ses compagnons concernant l'inoubliable présence, la perte de ses titres honorifiques, le reniement des prêtres ses amis, l'incompréhension du monde entier, devant le fait culminant de sa destinée ?
Avec la profonde sincérité qui caractérisait ses moindres actes, Saûl de Tarse ne voulait savoir qu'une chose : Dieu avait changé ses plans le concernant. Il lui serait fidèle jusqu'au bout.
Quand les ombres crépusculaires se firent plus denses, deux hommes inconnus entraient dans les faubourgs de la ville. Malgré le vent fort qui éloignait les nuages orageux en direction du désert, d'épaisses gouttes de pluie tombaient, ici et là, sur la poussière brûlante des rues. Les fenêtres des maisons résidentielles se fermaient en claquant.
Damas pouvait se souvenir du jeune tarsien, beau et triomphateur. Elle l'avait connu lors de ses fêtes les plus brillantes, elle avait l'habitude de l'applaudir dans les synagogues. Mais, voyant passer sur la voie publique ces deux hommes fatigués et tristes, jamais elle n'aurait pu le reconnaître en celui qui marchait chancelant, les yeux éteints...
DEUXIÈME PARTIE I
EN ROUTE VERS LE DÉSERT
Où irons-nous, Seigneur ? - osa timidement demander Jacob dès qu'ils pénétrèrent dans les rues tortueuses.
Le jeune tarsien a semblé réfléchir une minute et a déclaré :
Il est vrai que j'ai un peu d'argent, mais ma situation est très difficile ; j'ai bien plus besoin d'assistance morale que de repos physique. Il faudrait que quelqu'un m'aide à comprendre ce qui s'est passé. Tu sais où habite Sadoc ?
Je sais - a répondu le serviteur compatissant.
Mène-moi jusqu'à lui... Après avoir vu un ami, je réfléchirai où trouver une auberge.
Peu de temps après ils se trouvaient devant la porte d'un singulier édifice à l'apparence magnifique. Des murs bien dessinés entouraient un large atrium décoré de fleurs et d'arbustes. Se reposant près du portail d'entrée, Saûl a averti son compagnon :
Il ne convient pas que je lui rende ainsi visite, sans prévenir. Je ne suis jamais venu voir Sadoc dans ces conditions. Entre dans la cour, fais-le appeler et raconte-lui ce qui m'est arrivé. J'attendrai ici, d'ailleurs je ne peux même pas faire un pas.
Immédiatement, le serviteur lui a obéi. Le banc où il se reposait était quelque peu distant du grand portail d'entrée, mais une fois seul, soucieux d'entendre un ami qui le comprendrait, à tâtons Saûl a reconnu le mur. Tremblant et hésitant, il s'est difficilement traîné et a atteint l'entrée, puis il attendit là.