La réponse était une révélation. Le mouton persécuté venait chercher le loup vorace. Saûl comprit la leçon que le Christ lui donnait. La présence d'Ananie évoquait à sa mémoire les appels les plus sacrés. C'était lui l'instructeur d'Abigail dans la doctrine et la cause de son voyage à Damas, où il avait trouvé Jésus et la vérité rénovatrice. Pris d'une profonde vénération, il voulut s'avancer, s'agenouiller devant le disciple du Seigneur qui l'appelait tendrement « frère », baiser tendrement ses mains bienfaitrices, mais il n'arrivait qu'à tâtonner dans le vide, sans réussir à manifester sa très grande gratitude.
Je voudrais baiser votre tunique - a-t-il dit avec humilité et reconnaissance -, mais comme vous le voyez, je suis aveugle !...
Jésus m'a justement envoyé pour vous rendre le don de la vue.
Très ému, le vieux disciple du Seigneur a remarqué que le persécuteur cruel des apôtres du «Chemin » était totalement transformé. Entendant ses paroles pleines de foi, Saùl de Tarse laissa apparaître sur son visage les signes d'une profonde joie intérieure. De ses yeux obscurs coulèrent des larmes cristallines. Le jeune homme passionné et capricieux avait appris à être humain et humble.
Jésus est le Messie éternel ! J'ai déposé mon âme entre ses mains !... - a-t-il révélé partagé entre le repenti et l'espoir. Il m'a puni pour mes actes !...
Baigné des larmes d'une sincère repentance, sans pouvoir manifester sa reconnaissance en cette heure, en vertu des ténèbres qui entravaient ses pas, il s'est agenouillé avec humilité.
Le vieillard généreux voulut s'avancer, empêcher ce geste de renoncement suprême, connaissant sa propre condition d'homme faible et imparfait ; mais désireux d'aider cette âme ardente à sa complète conversion au Christ, il s'est approché ému et plaçant sa main ridée sur ce front tourmenté, il a annoncé :
Frère Saûl, au nom de Dieu Tout-Puissant je te baptise dans la nouvelle foi en le Christ Jésus !...
Entre les larmes chaudes qui coulaient de ses yeux, le jeune tarsien a ajouté, prostré :
Daignez, Seigneur, pardonner mes péchés et illuminez mes desseins pour une vie nouvelle.
Maintenant - a dit Ananie en imposant ses mains sur ses yeux éteints d'un geste délicat -, au nom du Sauveur, je demande à Dieu que tu puisses voir à nouveau.
Si cela plait à Jésus que cela soit - a dit Saûl ému -j'offre mes yeux à ses services sacrés pour toujours.
Et comme si des forces puissantes et invisibles entraient en jeu, il a senti que de ses paupières douloureuses tombaient des substances lourdes comme des écailles, au fur et à mesure que sa vue revenait s'abreuvant de lumière. À travers la fenêtre ouverte, il vit le ciel clair de Damas, éprouvant un bonheur infini dans cet océan de clartés éblouissantes. Le souffle du malin, comme le parfum du soleil, venait baigner son front. traduisant à son cœur la bénédiction de Dieu.
Je vois !... Maintenant je vois !... Gloire au rédempteur de mon âme !... - s'exclama-t-il en tendant les bras, transporté de gratitude et d'amour.
Devant cette preuve fantastique de la miséricorde de Jésus, Ananie non plus ne put se retenir, le vieux disciple de l'Évangile a embrassé le jeune tarsien, pleurant de reconnaissance à Dieu pour les faveurs reçues. De ses bras généreux, tremblant de joie, il l'a aidé à se relever, soutenant son âme surprise et bouleversée d'allégresse.
Frère Saûl - a-t-il dit empressé -, ceci est un grand jour ; embrassons-nous pour évoquer le souvenir sacro-saint du divin Maître qui nous a unis dans son grand amour !...
Le converti de Damas n'a pas dit un mot. Les larmes de gratitude l'étouffaient. Embrassant l'ancien prédicateur, c'est dans un geste expressif et muet qu'il le fit comme s'il avait trouvé le père dévoué et aimant de sa nouvelle existence. Pendant un long moment, tous deux sont restés silencieux, émerveillés par l'intervention divine, comme deux frères très chers qui se seraient réconciliés sous le regard de Dieu.
Saûl se sentait maintenant fortifié et valide. En une minute, il lui semblait avoir récupérer toutes les énergies de sa vie. Revenant petit à petit de la béatitude divine qui le félicitait, il prit la main du vieux disciple et l'embrassa avec vénération. Ananie avait les yeux pleins de larmes. Lui-même ne pouvait pas prévoir les joies infinies qui l'attendaient dans la modeste pension de la « rue Droite ».
Vous m'avez ressuscité pour Jésus - s'exclama-t-il radieux - ; je serai à lui éternellement. Sa miséricorde suppléera mes faiblesses, il compatira de mes blessures, il enverra de l'aide à la misère de mon âme pécheresse pour que la boue de mon esprit se convertisse en l'or de son amour.
Oui, nous appartenons au Christ - a ajouté le généreux vieillard avec une grande joie qui débordait de ses yeux.