Читаем Сatherine et le temps d'aimer полностью

C'était un garçon qui pouvait avoir quatorze ou quinze ans et dont les traits du visage étaient nobles et réguliers. Mais il avait, dans la pâleur mate de sa figure et dans la maigreur de son long corps vêtu de noir, quelque chose d'affamé et d'inflexible à la fois. Quant à son regard Catherine s'avouait tout bas qu'il était à peu près insoutenable, ce qui était rare chez un être si jeune. Les yeux, d'un bleu de glace sous des paupières qui ne cillaient pas, brûlaient d'un feu fanatique difficilement supportable. Enfin, sa silhouette funèbre faisait une tache pénible dans la somptuosité du décor ambiant et Catherine, tout en suivant, au côté de don Alonso, une étroite galerie de marbre ajouré qui donnait sur la grande cour, ne put s'empêcher d'en faire la remarque.

— Puis-je dire à Votre Grandeur que son page ne lui va pas ? Il ne semble guère en accord avec ces splendeurs qui nous entourent ! fit-elle en désignant l'étincelante cour aux arcades de marbre et aux murs couverts d'azulejos aux couleurs étincelantes.

— Aussi ne le garderai-je pas ! soupira l'évêque.

Tomas est un garçon d'élite, une âme intransigeante et dure, toute donnée à Dieu. Je crains fort qu'il ne juge assez sévèrement ma façon de vivre et mon entourage. La science et la beauté ne l'intéressent pas, alors qu'elles sont ma raison de vivre. Il hait les Maures plus que Messire Satan lui-même, je crois bien. Moi, j'apprécie leur génie.

— Pourquoi, en ce cas, l'avoir pris chez vous ?

— Son père est un ancien ami. Il espérait que, chez moi, le jeune Tomas prendrait, de la religion, une idée plus aimable que celle qu'il s'en fait, mais je crains d'avoir échoué. Il n'ose pas me demander son congé. Pourtant je sais qu'il désire ardemment entrer chez les dominicains de Ségovie et je ne tarderai certainement pas à lui accorder cette satisfaction. Il n'y a que trois mois qu'il est ici. Quand il y en aura six, je le renverrai. Il est vraiment trop lugubre !

Un instant, avant d'entrer dans la salle où le souper était servi, Catherine put entrevoir la silhouette noire du page, debout au milieu de la cour près du chariot et donnant des ordres à une escouade de valets. Elle frissonnait encore au souvenir du regard glacé, lourd d'un mépris approchant la répulsion, que ce garçon inconnu avait fait peser sur elle.

— Comment s'appelle-t-il ? ne put-elle s'empêcher de demander.

— Tomas de Torquemada ! Sa famille est originaire de Valladolid

! Mais oubliez-le, ma chère, et passons à table.

Il y avait longtemps que Catherine n'avait fait un repas comme celui-là. Apparemment, les garde-manger de l'archevêque étaient bien fournis et ses cuisiniers n'ignoraient aucun des raffinements de la cuisine occidentale ni certaines douceurs de la cuisine orientale. Les vins chauds, parfumés, que produisait le siège épiscopal du prélat et où, d'ailleurs, il ne mettait jamais les pieds, arrosèrent un festin composé de poissons et de venaisons variés et terminé par une multitude de gâteaux ruisselants de miel. Une armée de serviteurs en turban de soie rouge l'avaient servi et, quand il fut terminé, Catherine avait oublié la fatigue du voyage.

— Il est temps, maintenant, d'aller voir Hamza, avait dit don Alonso en se levant.

Elle l'avait suivi avec empressement à travers les salles immenses et fastueuses, les longs couloirs frais et les cours du château jusqu'au donjon central. Mais l'abondance du souper, la chaleur des vins rendirent un peu pénible l'ascension de la puissante tour en haut de laquelle don Alonso avait logé son précieux médecin.

— Hamza étudie aussi les astres, lui confia-t-il. Il était normal de l'installer au plus haut de ma maison afin qu'il soit plus près des étoiles.

En effet, la pièce dans laquelle don Alonso précéda Catherine ouvrait directement sur le ciel par une longue découpure du plafond sertissant la voûte bleu sombre piquée d'étoiles. D'étranges instruments étaient disposés sur un grand coffre d'ébène. Mais Catherine ne s'y arrêta pas.

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