J'ai recu votre lettre hier et comme vous voyez je ne tarde pas a y repondre. J'en suis assez content, cependant j'aurais desire qu'elle fut encore plus detaillee. Quand vous me parlez de vos plaisirs, de vos occupations, il ne faut oublier aucune circonstance. Que jouez vous avec Genischta? Vous ne m'en dites rien. Que fait-on aux soirees de la P. Zeneide? Chante-t-on? danse-t-on? Je veux savoir tout cela. Et c'est alors que vous aurez le droit d'exiger de moi les relations les plus exactes. D'ailleurs vous avez beau dire, vous avez toujours beaucoup plus de temps a mettre a vos lettres que moi, Jusqu'a present je mene une vie de vagabond, ce qui ne me convient pas du tout, mais enfin j'espere que nous demenagerons lundi dans notre logement et alors je serai plus maitre et meme absolument maitre de mes moments. Aujourd'hui je suis engage a diner chez M-r Батюшков, je n'ai pas encore fait la connaissance de ses filles, qu'on dit etre tres aimables et fort bonnes musiciennes. J'irai aussi voir les Koutaisoff ce matin. Ensuite je retournerai chez le C-te Nesselrode ne voulant pas profiter trop largement du temps de repos qu'il m'a donne. La soiree, je la passerai Ou chez Kozloff, ou chez Delvick. Voila mes projets pour toute la journee. Des que je serai installe dans mon nouveau logement je vous enverrai les copies, que vous desirez. Cependant, n'allez pas croire que ce n'est qu' a cette seule condition, que la P-sse m'a donne son cahier. Cette condition n'existait pas quand le cahier etait deja chez moi et ce n'est que dans la suite que la p'-sse m'en a parle. Voila une querelle d'Allemand, je ne vous la fais cependant pas pour me prevaloir de ma complaisance. Un de ces jours j'ecrirai a maman. Je vous adresserai aussi ma lettre pour Alexis, comme la poste de Voronege quitte Moscou le vendredi, je vous l'enverrai samedi afin que vous la receviez jeudi. Vous la ferez partir sans delai. Donnez-moi exactement de ses nouvelles. Je remercie maman de la lettre qu'elle m'a envoyee et lui baise les mains, les joues. J'ecrirai a M-r D'Horrer, a M-r Goerke et a M-me ma tante. J'ai passe une soiree chez la P-sse Sophie Volkonsky, c'est une personne fort aimable malgre sa maladie. Je ne lui ai cependant trouve ni le teint, ni la voix d'une personne qui garde le lit depuis si longtemps. On m'a dit ensuite qu'elle etait un peu agitee. Elle m'a retenu chez elle jusqu'a 9 1/2 depuis 6 1/2 et pendant ces 2 heures nous n'avons cesse de causer avec la P. Aline pour ne pas la laisser parler.
Mes hommages a la P-sse Zeneide, je lui suis bien reconnaissant de son souvenir. Ne m'oubliez pas dans son salon et surtout pres des dames Ocouloff. Dites a Alex. Meschersky, que les ecoles vont etre ouvertes et que des qu'elles le seront, je lui en enverrai les reglements, qu'en attendant il n'oublie pas mes conseils. Par la premiere occasion envoyez-moi de la conserve de rose pour Vau-cher. On n'en trouve pas a P-g et cela lui fait un bien infini. Je vous embrasse de tout mon coeur.
Si vous voyez les Troubezkoy, presentez-leur mes respects et envoyez-moi les psaumes de Marcello par la P. Agrip. si elle vient ici bientot ou par son frere. Tous deux s'en chargeront avec plaisir.