Ce qui me rend plus précieux encore le bon accueil que j’ai reçu ici, c’est que mon voyage à Weimar, outre le désir de revoir les Maltitz, avait encore un autre objet qui m’est plus directement personnel. Voici ce que c’est. Je vous ai fait connaître l’intention où j’étais de placer mes trois filles aînées à l’Institut de Pétersb. Mais comme vous avez remarqué vous-mêmes, il n’y a qu’Anna qui soit d’âge d’y être placée immédiatement. Les deux autres sont encore beaucoup trop jeunes pour cela. Or, leur tante Maltitz, depuis qu’elle est à Weimar, m’a proposé dans le cas où je me déciderais à conduire Anna en Russie, de laisser provisoirement chez elle les deux petites*
. Je me suis assuré que sous beaucoup de rapports ce parti était le meilleur à prendre dans l’intérêt de ces enfants. Vous savez qu’il y a ici une chapelle russe et un prêtre russe, de manière que ces enfants, en s’élevant ici, ne resteront pas étrangères à leur religion et à leur langue et se trouveront suffisamment instruites dans l’une et dans l’autre jusqu’à l’époque où elles auront l’âge requis pour entrer à l’Institut à leur tour. Clotilde qui a pour elles toute l’affection possible en aura soin comme de ses propres enfants, et grâce à sa position dans ce pays, je puis me flatter qu’elle pourra sans peine attirer sur elles l’intérêt et la bienveillance de la Gr-Duchesse. Quant à leur entretien qui comme de raison retombe tout entier à ma charge, il ne me coûtera pas beaucoup plus que si je les gardais auprès de moi. L’essentiel maintenant c’est de faire consentir ma femme à cet arrangement, et ceci ne s’obtiendra pas sans difficulté, car elle est très attachée à ces enfants et elle aura de la peine à se décider à s’en séparer. Il le faudra bien néanmoins, car si, comme nous y sommes décidés, nous allons à Pétersb, le printemps prochain, l’obligation de traîner après nous la bande toute entière compliquerait à l’infini les embarras et la dépense du voyage, et ce serait un grand soulagement pour moi que de pouvoir laisser une partie au moins de ces enfants en Allemagne, confiés à des menus soins, comme celles des Maltitz.